Richard Hawley – In This City They Call You Love

In This City They Call You Love
Richard Hawley
BMG
2024
Thierry Folcher

Richard Hawley – In This City They Call You Love

Richard Hawley In This City They Call You Love

J’y vais, j’y vais pas ? C’est vrai que j’ai longuement hésité avant de me lancer dans l’écriture de cette chronique. Cela n’avait rien à voir avec la qualité irréprochable de ce disque, mais plutôt avec le sentiment de revenir sur un artiste, déjà chroniqué ici même et qui n’a clairement plus besoin d’un coup de projecteur. Le problème, c’est que lorsqu’on est sous l’emprise de Richard Hawley, on est forcément dans une folle envie de partage. Depuis que In This City They Call You Love est sorti, il s’est vite imposé dans mon environnement musical et sans jamais devoir me lasser. Comme toujours, le soin apporté à l’enregistrement nous offre un confort d’écoute assez exceptionnel où chaque instrument, chaque parole et chaque silence se détachent de façon remarquable. Un argument de poids qui peut, à lui seul, justifier cette chronique. Je pense aussi à tous ceux qui ne connaîtraient pas encore ce natif de Sheffield et qui auront, grâce à ce disque, un formidable moyen de combler cette lacune. Depuis ses débuts en solo, Richard Hawley a fait preuve d’une belle régularité avec une solide collection d’albums où sa voix de crooner et son jeu de guitare à l’ancienne ont su forger une identité qui ne peut laisser indifférent. J’ai toujours eu un faible pour Coles Corner (2005) et Truelove’s Gutter (2009), deux créations majeures qui offrent ce qu’il y a de meilleur chez cet artiste à la fois créatif et gardien d’une tradition vocale proche de Scott Walker, Roy Orbison et même Elvis. Je ne dis pas que tout le reste est un cran en dessous, mais ces deux chefs-d’œuvre volent tellement haut qu’il me paraît difficile de ne pas les distinguer. In This City They Call You Love est son dixième album studio et comme souvent, le titre rend hommage à sa ville natale, toujours autant chérie, mais si éloignée des images rétro U.S. qu’évoque sa musique.
Sur ce disque, Richard Hawley s’accorde trois configurations distinctes. Une première, en mode rock énergique, une autre avec orchestre à cordes et une troisième en format intimiste dépouillé. Même si l’ensemble est fabriqué de façon homogène et cohérente, les passages rock sont pour moi les plus intenses et les plus affriolants. Ne serait-ce que pour les parties de guitare qui naviguent entre rockabilly trépidant et grincements métallurgiques (pas étonnant, on est au pays de la sidérurgie). Le tout premier coup de médiator introduit « Two For His Heels » avec une rage destructrice qui transperce les tympans et le décor d’une saynète pour le moins lugubre. La basse de Colin Elliot récite ses gammes et la batterie de Dean Beresford claque avec intensité sur ce premier titre coup de poing, bien loin des habituels rendez-vous charmeurs de notre troubadour préféré. Croyez-moi, on ne pouvait guère faire mieux comme alléchante entrée en matière. Sur ce début d’album, on est bien chez Richard Hawley, mais chez un Richard électrique qui nous laisse à la fois perplexes et satisfaits de ne pas toujours reproduire les mêmes schémas. D’autant plus que « Have Love » qui enchaîne juste après nous délivre un message plutôt rageur sur les échanges amoureux. La guitare est toujours aussi tranchante jusqu’à devenir la principale attraction de ce titre rock’n’roll d’une rare efficacité. Alors bien sûr, par le passé, d’autres coups de grisou ont bien explosé çà et là, mais sans jamais atteindre cette lourdeur souterraine qui semble envelopper ces deux premiers brulots incandescents.
Richard Hawley In This City They Call You Love Band 1
Le contraste avec « Prism In Jeans » est saisissant. Je me demande même si l’ami Richard n’a pas voulu rapidement rassurer une fan zone légèrement perplexe. C’est qu’il impressionne le bougre avec un savoir-faire calculé sur cette jolie ronde où les cordes font une première apparition convaincante. Changer aussi facilement de registre tout en restant crédible n’est pas à la portée du premier venu et montre à quel point l’auditeur doit s’attendre à vivre toutes sortes d’émotions différentes. Les sourires qui s’affichent sur le clip (voir ci-dessous) sont communicatifs et redessinent une pochette qui passe de la nuit sombre à l’accueillante lumière du jour. La belle machine est lancée et restera, jusqu’à la tornade « Deep Space », sur ce terrain plutôt bienveillant. Il y a tout d’abord un agréable, mais un peu trop trainard « Heavy Rain » qui malgré sa bonne volonté devra assumer la lourde tâche de précéder la sensation « People », assurément un des sommets de ce disque où la poésie semble embellir un paysage terrible, mais profondément aimé. On savait Richard Hawley proche de Sheffield, mais je n’ai pas souvenir d’une chanson où l’hommage rendu à sa ville fut aussi fort que sur « People ». Le chant ressemble à une confession à caractère privé qu’il nous autorise à entendre tout en employant le minimum d’effets. Un tempo régulier et une guitare acoustique seront les seuls compagnons de cette déclaration qui donne un sens au titre de l’album. Un drôle de disque qui ressemble de plus en plus à un déballage de spleen mêlé de rancœur. C’est flagrant sur « Hear That Lonesome Whistle Blow » et sur « Deep Space », deux autres chansons qui ne seront pas, à proprement parler, très gaies. La première fera tout pour noircir une musique plutôt sereine avec un texte déprimant et la seconde ne se gênera pas d’envoyer de furieuses salves électriques sur un étouffant désir d’évasion.
Il nous reste encore un bon tiers de musique à écouter et le moins qu’on puisse dire, c’est que jusque-là, le sieur Hawley ne nous a pas ménagés. Les textes sont hard, mais la musique compense largement un pathos presque trop systématique. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans les sombres vallées du Yorkshire et ceci explique peut-être cela. Se concentrer sur la musique est sans doute la meilleure attitude à adopter, surtout que le dépouillé « Deep Waters » possède de vrais atouts pour nous faire frissonner avec son allure pépère et ses chœurs troublants. Ensuite, « I’ll Never Get Over You » poursuivra cette même volonté de mettre du soleil et de la chaleur, là où les mots n’en demandent pas vraiment. Et puis, la magnifique bossa de « Do I Really Need To Know » va enfin faire preuve d’une certaine légèreté et offrir le meilleur d’un artiste, certes un peu torturé, mais bigrement talentueux. À noter sur ce titre, la présence dans les backings de Jarvis Cocker, son ancien complice de Pulp. Le temps passe très vite et « When The Lights Go Out » annonce avec douceur la fermeture prochaine de cet album fascinant. Et c’est avec la berceuse nostalgique de « ‘Tis Night » que les lumières s’éteignent et que notre beau voyage prend fin. Quelle belle chanson pour terminer ! Tout est là pour nous rappeler la chance que l’on a de connaître un tel bonhomme et de pouvoir vivre de si beaux moments en sa compagnie.
Richard Hawley In This City They Call You Love Band 2
Avec In This City They Call You Love, Richard Hawley n’a pas empilé un album de plus, il a, une fois encore, rendu service à la nature humaine, pas toujours à la hauteur de ses ambitions. Les artistes, les vrais, sont certainement parmi les meilleurs ambassadeurs de l’Humanité. Je ne suis pas loin de penser que chaque nouveau rendez-vous avec ce bel artisan de la chanson doit absolument être mis en lumière et tant pis si je donne l’impression de vouloir l’imposer, car l’inverse me rendrait coupable de non-assistance à mélomane en danger. Conclusion : Cette chronique était foutrement bien utile.

https://www.richardhawley.co.uk/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.