Rhys Marsh – Sentiment
Rhys Marsh
Autumnsongs Records
Rhys Marsh est un artiste complet qui n’hésite pas à multiplier les collaborations. On l’a en effet vu prêter sa voix au projet The Cartel Opium et participer au super groupe Kaukasus. « Sentiment », son dernier opus solo en date, porte assez bien son nom tellement les émotions de notre norvégien y sont mises à nu. L’ombre des deux premiers King Crimson plane fortement sur la musique de cet enregistrement. En effet, il est impossible de ne pas avoir en mémoire la prestigieuse formation de rock progressif à l’écoute de cette batterie cotonneuse, de ce mellotron implorant ou encore de ces guitares menaçantes. Mais le jeune musicien sait imprimer son identité à ses compositions. En effet, d’une part il leur apporte une touche fantaisiste, comme avec les petites frappes tantôt hâtives (« Pictures Of Ashes »), tantôt avançant à reculons (« The Seventh Face »), ou encore avec quelques mélodies qui font esquisser un sourire sur notre visage. Associés à une guitare acoustique solaire, ces notes amusées ravivent presque le spectre du « Wise After The Event » d’Anthony Phillips, album lumineux sur lequel officie, ô surprise, Mike Giles ! D’autre part, le chant versatile d’une sensibilité à fleur de peau de Rhys, entre agonie et supplication, évoque les tourments d’une âme déchirée, et offre une mélancolie singulière à son univers.
Entre lumière et pénombre, entre frivolité et gravité, les ambiances sont contrastées mais l’ensemble est loin d’être décousu, l’ami norvégien arrivant à faire coexister ces contraires dans un maelström ambitieux de toute majesté. La force de Rhys Marsh est donc d’associer des mondes que rien ne semble lier, sans que l’on ne se retrouve à aucun moment dans un pathos pompier ou dans un enjouement à l’emphase exagérée. Ce contraste se retrouve d’ailleurs sur la magnifique pochette, avec des feuilles mortes tombant d’un arbre rabougri là où des frises criardes parent les collines gorgées des couleurs éclatantes du soleil couchant.
Batterie chamarrée, mais pas pétaradante, rhodes résonnant mais pas fanfaronnant, mellotron hanté mais pas inquiétant, voix théâtrale mais pas maniérée, tout est dans la retenue, la nuance, l’humilité, pour un album où le terme de « sentiment » prend tout son sens. Seul à l’écriture, à l’interprétation et à la production, Rhys Marsh a vraiment réussi un coup de maître avec son cinquième album, empreint d’une lumière, qui, en contre-jour, met bien en valeur les contours d’une âme sensible, sans pour autant nous éblouir.
S’il continue sur cette voie, le norvégien est en passe de devenir le nouveau fer de lance d’un mouvement qui peine à se renouveler.
Lucas Biela (8,5/10)
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Excellent disque
Oui, très bon. Avec cette touche « glaciale » qui caractérise la scène scandinave.