Plebeian Grandstand – Lowgazers

Lowgazers
Plebeian Grandstand
2014
Throatruiner Records

Plebeian Grandstand Lowgazers

Un soir, je me suis passé le dernier Plebeian Grandstand (celui chroniqué étant le second), la fenêtre grande ouverte alors que je regardais la fumée de ma clope monter au plafond. « Lowgazers » était son petit nom, et ça n’avait rien d’un conte (et c’était pas Noël non plus). J’ai même voulu en raconter une histoire, la poser sur le papier virtuel à la sueur de mes doigts. Des images (contrefaites) apparaissaient pour aussitôt disparaître dans le stupre et l’adhésif bon marché. Depuis cette nuit, mes voisins me prennent pour un pervers psychopathe et s’écartent de ma personne dès que je mets le pied dehors avec mon caddie. Ceci étant dit, la question n’est pas de savoir et encore moins de décrire la violence éjaculée par les Toulousains, mais plutôt de saisir l’impact de cette difformité, en de vagues gribouillages, sur l’inconscient. Perte des repères spatio-temporels, engloutissement avide, et toujours cette impression – intégrée à l’ADN – d’avoir été mis à mal, d’avoir été attaché dans des positions que la morale (même libertaire) réprouve au tuyau de la plomberie centrale. Et puis bouger frénétiquement la tête, telle une apparition spectrale de « l’Echelle de Jacob ».

Un brancard de seconde main m’emporte dans ses grincements de roue, manifestement non huilées par paresse syndicale, dans ces couloirs de l’inquiétante étrangeté au milieu de cadavres et autres corps et morceaux mutilés, une petite chose qui crie au loin. Pourtant, nulle vision, seule la sensation, voire l’odeur, de l’horreur crasse à foutre une nausée d’anthologie à un coprophage. J’allais omettre de signaler que Plebeian Grandstand brouille les frontières. Black ? Hardcore ? Bah, tout se mélange ma bonne dame à qui je descends les poubelles. L’agression, la rage, le venin. Vous connaissez la dissonance façon Deathspell Omega, pendant qu’on y est ? Y’en a à chier, à en bouffer sur cet album.

Lowgazer Band

Alors que mes doigts virevoltent sur le clavier, je me demande, avec insistance, si le hardcore n’est pas le nouveau vivier du black metal « à la mode », loin des maquillages dont tout le monde se fout un peu (ou font dorénavant bien rire), une bonne savate dans la gueule et un malaise profond qui transpire dans cette violence jusqu’au-boutiste. Ce petit quelque chose qu’on cherche à repousser, la limite, la frontière sans visage, sauvage, le tabou est exp(l)osé et démerde-toi avec, vis avec ça. Tu peux pleurer chaton, qu’est-ce que ça va changer ? Ce qui m’a fait révulser les yeux et retourner les tripes, c’est cette indisposition constante qui traîne et bave, telles les fumées noirâtres d’une côte d’agneau trop cuite.

Ce n’est pas la violence, c’est l’ensemble de cette violence, cette brutalité sépulcrale qui te souffle dessus devenant une atmosphère suffocante à part entière. C’en est effrayant et fascinant. Maintenant, tu peux essayer de reprendre ton souffle au milieu de ces formes qui ne sont que le miroir de la réalité. Ce quelque chose indistinct dont tu veux échapper et qui te rattrape, vicieux et agonisant. Si je veux pousser plus loin, notre existence n’est-elle pas la traversée d’un couloir dégueulasse, attaché à un brancard (de seconde main) au centre des déchets de l’humanité ? Tu le sens ce côté épais, bien étouffant ?

Tu comptes, et encore, les doigts qui t’enserrent la gorge. Y’a même Ulcerate qui s’invite dans le son (production Amaury Sauvé, ça te dit déjà le quintal d’objectifs). Plebeian Grandstand te fissure l’esprit et le malaxe comme dans un film de Gaspard Noé. Je suppute dans les méandres de mon cerveau la présence nocive des tout autant toxiques Kickback. Attends un peu… Kickback et Deathspell Omega ? Tudieu, paye ton combo gagnant ! Mais, mine de rien, je passe toujours pour le psychopathe de service qui sévit dans les caves de Paris Habitat.

J’ai voulu en écrire une histoire, j’en ai pondu une chronique. C’est déjà ça, me susurre à l’oreille ma (bonne) conscience. Cependant, moi, je l’écrase, cette conne (c’est pour les fiottes). Il paraît que ça fait peur. Plus qu’une menace, « Lowgazers » est une agression, une expérience de violence tellement viscérale que mon caddie en devient un instrument de torture polymorphe.

Jérémy Urbain (8,5/10)

http://plebeiangrandstand.bandcamp.com/

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