Plebeian Grandstand – False Highs, True Lows

False Highs, True Lows
Plebeian Grandstand
2016
Throatruiner Records

False Highs, True Lows

Ce soir là, attendant un hypothétique texto, je me mis le dernier Plebeian Grandstand. Déjà qu’on me prenait pour un kamikaze avec mon caddie rempli de Leffe Royale… Et je regardais, une nouvelle fois, la fumée de ma cigarette monter doucement au plafond. Le dernier rejeton se nomme False Highs, True Lows et la question était de savoir, encore une fois, si on peut se confronter à cet enchaînement de brutalité frôlant par instant la convulsion post-traumatique au milieu du sang coulant des oreilles et des poubelles non ramassées par les instances municipales.

La rage qui en suppure semble se déverser de plein flots, comme autant d’apparitions cauchemardesques dans une image d’habitation tranquille avec véranda et porte vitrée. Et c’est une trompette déclamatoire résonnant en trois fois qui amène ce vent de violence, ces disharmonies, ces créatures décharnées au milieu de ces éclairages carmins, ce mal remontant dans veines, artères, organes et déjections. C’est une atmosphère pesante qui fait ramper, une architecture chaotique qui s’étire, se délite, devenant le décor d’un film expressionniste allemand. Et de ce postulat, la sensation désagréable d’une vision sur un quai de métro vide. De l’absence d’un signe, vient la panique d’un train-train effrayant, de visages transformés, haineux et paranoïaques. L’incompréhension d’un malaise urbain, car oui, je ne me sens pas vraiment au milieu d’une forêt plongée dans le brouillard, mais dans le cloisonnement citadin dont on tente de s’échapper en changeant de case. Mais, bordel, on s’y sent bien là. Une certaine vision de la jouissance dans l’horreur. Étrange, dîtes-vous ?

 False Highs, True Lows Band

Et les Toulousains de triturer cet état comme on malaxe rageusement, sourire mesquin à l’appui, une mie de pain ou de la croûte d’un Babybel. Cette violence, c’est la leur, celle qu’ils ont produite. Et pourquoi ? Pour qui ? Pour nous. Pour celui qui verra son évolution aboutir à une impasse, à celle qui ne voit pas son avenir, rongée par le cafard d’un soir, au détritus d’une soirée trop longue, à l’escarre sociétal qui creuse la chair dans un cri. Nous. False Highs, True Lows résonne plus comme une onde. Un son qu’on entend que trop bien, mais qu’on se refuse d’écouter. Pourtant, il est inhérent, proche, tels des crépitements parasites. C’est dans les ralentissements stridents, ces rythmiques lourdes et ces voix chuchotées au bord de la rupture, faisant tomber la cendre de ma clope qui pointait vers le bas, que Plebeian Grandstand étale sa force. Ces instants, courts mais précis, délimitant ces accès de brutalité soudaines, agissent comme des retours brusques dans une réalité.

Mais la réalité, on n’aime pas trop ça, on préfère sentir les muscles saillir, se bloquer et se laisser porter par cette violence frôlant l’abstraction d’une toile de Francis Bacon ou d’un Veličković. Et en cela, le groupe atteint un point de non retour dans cette spirale aussi courte (35 minutes) que tétanisante. Celle où les carapaces se craquellent sous l’explosion, les mouvements se stoppent, les images se fixent et les grimaces se disloquent aux gestes d’un scalpel sur une table d’opération trop froide. Au milieu de tout ça, un souffle, retenu comme une boule au fond du gosier qui s’extirpe une fois la dernière note tirée. Je pourrais très bien citer Deathspell Omega, Merrimack, Cowards, Celeste ou les basques de The Rodeo Idiot Engine, mais ça, c’est juste pour avoir son quota de name dropping. L’important, c’est l’intensité bruitiste qui vire à chaque instant d’avantage vers l’hypnotisme exorbité. Plebeian Grandstand étouffe, resserre sa corde à piano autour du cou sous les plusieurs couches de larsens déchirants, blasts outranciers, cris lointains et d’agressivité faussement calculée.

False Highs, True Lows rassure sur mon trajet « boulot-mort-bière-dodo », il fait peur, certes, mais me rassure. Est-ce la conjoncture actuelle qui fait qu’on objet aussi zélé me percute ? Est-ce la colère qui sommeille en moi qui fait que cet album marche plus que d’autre ? À moins que ce cela se vérifie au nombre de jeux-vidéos tendance horreur psychologique que j’ai testés dernièrement… Le constat est là, cet album me percute l’œsophage, me fait tousser nerveusement et, quelque-part, est gratifiant dans son expérience viscérale. Et dans tout ça, je me sens tout aussi polymorphe dans mes errements blasés, tout aussi souriant en réveillant le chaland qu’en « déposant » mes consignes dans la poubelle de verre. On a l’agression qu’on a me dis-je en fumant ma clope à la fenêtre.

Jéré Mignon

Coup de Coeur C&Osmall

http://www.plebeian-grandstand.com/

https://plebeiangrandstand.bandcamp.com/

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