Pigeon Pit – Crazy Arms
Auto Production
2025
Lucas Biela
Pigeon Pit – Crazy Arms
A l’origine le projet solo de Lomes Oleander, Pigeon Pit est devenu il y a peu un groupe à part entière, avec pas moins de six musiciens en son sein. Ainsi Lomes (voix, guitare) s’est entouré de Bo Lark aux cordes et à l’accompagnement vocal, Mads Bun au banjo, Josh Hoey à la basse, Olive Hannah à la batterie et Jim Rhian à la pedal steel guitar. Le propos navigue toujours entre doute et fureur de vivre, mais la palette de couleurs est maintenant plus large et permet d’apporter des nuances au tableau. La particularité de la voix de Lomes est de ponctuer ses lignes de chant de tremblements, un peu à la manière de Will Oldham (aussi connu sous le pseudonyme Bonnie ‘Prince’ Billy). Cette fêlure rend son propos à la fois intrigant et bouleversant. De surcroît, avec ses nouveaux acolytes, le côté punk qui ressortait déjà des chansons les plus acérées de son répertoire solo, est maintenant davantage mis en valeur. C’est particulièrement vrai sur « Dear Johnny » avec ses guitares rugissantes et sa batterie insistante. On notera cependant que, même dans les moments les plus remontés, un véritable esprit de camaraderie règne. C’est en fait grâce à l’optimisme qui se dégage du chant exubérant, du rythme sautillant et des notes amusées de la guitare. Et cela nous amène à la ballade nostalgique « Run Your Pockets ». Celle-ci, en plus de mettre les projecteurs sur un beau clair-obscur, fait justement bien ressortir l’entente qui existe entre les différents musiciens, dans un dialogue où chacun écoute l’autre avant d’intervenir. On peut aussi y apprécier des accents plus passionnés dans les mélopées de Lomes. Ainsi, c’est tout ce bouillonnement et un enjouement communicatif qui rendent la musique de Crazy Arms si attachante. On pourra d’ailleurs ressentir le même plaisir à l’écoute de cet album que celui qu’offre le fameux Fisherman’s Blues des Waterboys.
En outre, quand Bo joint sa voix à celle de Lomes, c’est une vraie bise printanière qui souffle sur le punk dynamique et quelque peu proche dans l’esprit des premiers Gun Club. Il en est ainsi du galopant « Bad Advice », aux belles lignes de violoncelle ondulantes et à l’harmonica éperdu, ainsi que du sinueux « Apple », marqué par des guitares étourdies. C’est également dans l’émoustillé « Alone In The Basement (For August) », où le steel semble distrait, et dans le bringuebalant « Bronco », caractérisé par des guitares lumineuses, que le printemps prend ses quartiers. Comme pour mieux nous plonger dans le froid de l’hiver cette fois-ci, Bo reste muette sur « Hot Shower Winter Morning ». En effet, fini ici la chaleur du Printemps. Malgré un rythme allègre, le chant désemparé de Lomes, accompagné de motifs troublés au violoncelle et à la guitare électrique, annonce une saison plus rude.
Crazy Arms est punk, folk, mais aussi country. Et ce dernier style draine même de l’humour. En effet, sur l’enflammé « Josephine County Blues », comment ne pas sourire devant la complicité tendre entre le banjo et le violon, contraints de courir pour rattraper la batterie. Mieux encore, dans « Stone Song », c’est un piano un peu tête en l’air qui rejoint les instruments à corde dans leur course au rythme. L’effet est des plus détonants, l’énergie se conjuguant à la rêverie. Même si la formule de Pigeon Pit s’est élargie avec l’apport de nouveaux collaborateurs, il est des morceaux qui gardent un pied dans les racines du projet. Nous voilà alors devant de véritables petites perles mélodiques. En effet, quelle émotion à travers « Maddy’s Song » quand Mads accompagne son banjo allègre d’un chant mêlé de gravité et d’exaltation. De leur côté, « Tide Pools » et « Keys To The City » montrent que de la précipitation (la guitare acoustique haletante et le chant alerte) peuvent naître des saynètes envoûtantes, où à nouveau, cette voix tremblotante émeut jusqu’aux larmes.
Crazy Arms est un bel album où se croisent énergie, émotion et complicité. Servi par un chant charismatique et des musiciens talentueux qui s’entendent comme larrons en foire, sa formule assez large mais cohésive devrait ravir tous les auditeurs en quête d’authenticité et de sincérité.
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