Pan Sonic – Oksastus

Oksastus
Pan Sonic
2014
Kvitnu

Pan Sonic – Oksastus

Tu te dis – car tu viens de le lire sur la toile – que Pan Sonic, c’est mort et enterré. D’ailleurs tu ne sais même pas ce que c’est, pas vrai ? Vu que ça fait plus de dix ans que le duo a raccroché les gants, le souvenir est un peu vague, poussiéreux, bon pour le vide grenier de juillet. D’ailleurs, si ça te dit quelque chose, je suis fier de toi. Pan Sonic, duo finlandais, c’était, pour faire au plus simple, l’intrusion du punk/hardcore dans la musique électronique. Quelque part, ça la rendait moins chiante, mais sans la rendre plus attractive pour autant. Pas consensuelle pour une terrine, frontale et radicale à provoquer des suées nocturnes au milieu de la banquise. Pan Sonic, plus qu’une entité, c’était un concept avec du système D : on fabriquait ses propres synthés avec une machine à écrire, du « je m’en foutisme total » (assumé et jouissif) et un gros doigt pointé bien haut à l’intelligentsia bobo, ce qui ne voulait pas dire que c’était stupide, bien au contraire. Ce fut une période fertile de combinaisons telluriques à quatre mains, de déchirements métalliques, d’improvisations minimalistes, de mises à nu séquentielles, d’une froideur tellement abstraite qu’on avait l’impression d’entendre un ventilateur sans l’aspect rafraîchissant.

Pourtant, après bien des années, chacun a fait sa vie, un label ukrainien sort ce live de leur dernière tournée. Engouement sur la toile ! Et là, tu te dis, un nouvel album, un témoignage abrasif ? Un peu des deux en fait. Le témoignage, soyons clair, tu te le prends en pleine gueule. Tu vois, c’est un peu comme assister à un happening, à poil, sans corde ni filet. Jamais le duo n’aura été aussi intransigeant, torturé, improvisant comme des punks à moitié bourrés sur leurs machines. Il joue à foison des écarts, des ruptures sans trop chercher à y trouver un ordre parce que, après tout, ils n’en ont plus rien à foutre. Les drones sont tranchants comme des couteaux de boucher, les beats aussi massifs et épurés que s’ils sortaient d’une rave party en direct morbide. Quelque part, la dureté glaciale des finlandais atteint son point d’acmé, une apostasie sonique pleine de sueurs dégringolant le long du dos, une machine infernale qu’il est impossible de stopper. Elle vit seule, par elle-même, zombifiée. Une intelligence artificielle qui a décidé de tout faire péter pour le simple plaisir… de tout faire péter en fait.

Quelle liberté, le chaos artistique dans sa forme la plus primaire, viscérale. Et c’est un testament, putain ! À ce stade, ce n’est plus du punk dans l’electronic, c’est du soft grind dans les circuits, du Rotten Sound sur le sampler. Déjà, t’as le témoignage, mais en plus, comme ça ne ressemble à rien de vraiment reconnaissable, ça peut faire office de nouvelle album, mine de rien. Même mort et sous terre Pan Sonic arrive encore à « créer » de sa momification. Sinon, on reconnaitra bien, ici et là, des particules, des brouillons texturaux et rythmiques que Mika Vainio allait prolonger par la suite. Ce n’est pas qu’à une mort auquel on assiste, mais aussi au bourgeonnement précoce des essais personnels de chacun, comme si cette souffrance mortifère, cette mort, longue et brutale, permettait de s’affranchir des codes qu’ils s’étaient eux-mêmes imposés. Mort et liberté.

« Oksastus », tu me diras, au final, c’est quoi ? Une éjaculation faciale bien douloureuse qui rappelle que Pan Sonic manque, que c’était la forme la plus radicale autant dans ses excès bruitistes que dans ses dégringolades de glitchs misérabilistes, désorientations et autres rythmes à peine audibles. Un ensemble si décousu et abrutissant qu’on se demande quelle aurait été l’évolution si l’aventure s’était poursuivie. Hélas, sur le sol, les mandragores poussent comme de la mauvaise herbe. Et on sait qu’elles ont un bon goût, légèrement vicié tel un Kandinsky sous méthadone. Indispensable pour les fans (même si le prix est exorbitant), et pour les autres, ben j’sais pas ! Pan Sonic, c’est une section de vie. Une nostalgie qui ne m’a pas paru aussi neuve.

Jérémy Urbain (8,5/10)

http://www.phinnweb.org/panasonic/

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