Oxbow – Thin Black Duke

Thin Black Duke
Oxbow
Hydra Head Records
2017

Oxbow - Thin Black Duke

À la fois sale et propre, guindé et poisseux, bien élevé et irrespectueux, Oxbow prend la pose depuis maintenant trente ans. Indéchiffrable, frustrant et/ou attirant, le groupe qui manie autant le hardcore (auparavant toutefois), le noise-rock que le delta blues, revient après dix ans d’absence.

Obscur nom que Oxbow, pouvant plus rappeler une marque de fringues ayant rapport au surf qu’à l’underground musical de San Francisco. Étrange groupe que celui-ci, au chanteur amateur de free-fight et de poésie sous influence Bukowski, aux accords blues qui riment avec Captain Beefheart, à l’énergie poissarde d’une poubelle renversée qui tient autant d’une bouffée de crack que de la complainte d’un acte masturbatoire trop vite expédié. Oxbow c’est la frustration de l’Homme seul. Ça pleurniche dans son coin mais ça feule un peu fort, ça griffe comme un chat pas content, ça sue comme un discobole en pleine descente de stéroïdes pouvant des fois se finir en slip. Et comme je disais, les quinquagénaires portés par un Eugène Robinson, désormais grisonnant, reprennent du service.

Oxbow - band

Le temps de Fuckfest et King Of The Jews sont loin, autant que les strip-teases jusqu’au slip que les séances de masturbation effrénées d’Eugène. Oxbow amorti le choc mais garde sa part aliénante fêlée. C’est le clodo qui a trouvé une redingote et qui la porte bien avec un nœud pap’. C’est le gentleman qui pousse encore une diarrhée vocale ou deux, mais avec une classe insoumise. Les sièges sont dorénavant en velours, la devanture plus cossue et l’éclairage plus tamisé. Les costumes plus cintrés, du sur-mesure, du suave, du panache. Chemise bien fermée, Oxbow laisse place aux cuivres, piano et cordes, à l’instrumentation langoureuse épousant les remparts des guitares, enrobant le tout d’un cachet plus modéré, souriant, feutré mais jamais à l’abri d’un dérapage. Et Eugène de créer le désordre. Il miaule, crache, grince, murmure, parle, crie, chante, comme toujours, mais dans un nouveau cocon. Il garde la chemise et ne baisse pas le pantalon, déjà ça.

Mais en plus il se permet de laisser couler des émotions plus mélancoliques, apaisées peut-être, sous tension toutefois et néanmoins camouflées sous une carapace d’enfant sage avec du bon vivre dans un bar huppé refusant t-shirts et baskets à l’entrée. De l’estime s’il vous plaît ! Excusez ! Et, pourtant, Thin Black Duke transperce sa carapace à l’opinel, il laisse le bas, l’ignoble, osons le, introduire le quotidien, le gangrener au travers d’un verre de whisky tourbé de 1962, bref, l’asphyxier dans la sueur. Il laisse vapeurs, exhalaisons intensifier l’espace, le transformer en un cabaret de héroïnomanes souffreteux. C’est classe, calme mais ambiguë. C’est autant une redingote qu’une tache de sperme sur un pantalon en tweed british, qu’un quartet élégant à la démonstration d’un freak de foire.

Intrusif, planant, contemplatif et vicelard. Thin Black Duke est aussi labyrinthique qu’une fresque architecturale de Schuiten & Peeters et pervers qu’un érotomane en manque de viagra. Sans surprise c’est une des pierres angulaires de cette année.

Jéré Mignon

https://oxbowofficial.bandcamp.com/

Et en cadeau, et parce que je suis bien bon et citoyen, un extrait live durant le show au Gibus de Paris en avril dernier.

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Et allez une autre issue de Narcotic Story. J’y peux rien, j’adore…

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