Osta Love – The Isle Of Dogs
AltrOck Productions
2015
Osta Love – The Isle Of Dogs
Parmi les choses qui attirent votre attention avant d’écouter ou d’acheter un album, il y a souvent la pochette. Enfin, c’est mon cas, pas vous ? D’aucuns se souviendront avec nostalgie de l’époque du vinyle-roi où l’on pouvait à l’envi décortiquer goulûment tout ce qui apparaissait sur les deux ou quatre faces des mythiques pochettes… De nos jours, le format CD et ses blisters nécessitant souvent un mode d’emploi et une dextérité aigüe pour leur ouverture nous interdit en partie de telles errances imaginatives. Reste souvent l’image de couverture, de plus en plus travaillée, qui s’ouvre devant nos yeux surchargés de pixels. Alors, autant vous dire tout de suite que c’est un réflexe pavlovien qui m’a fait saliver devant The Isle Of Dogs. Ce chien, sorte d’homo canis, à la gueule sympathique portant veste à bouton tricotée, le tout sur des tons de gris et un subtil contraste, m’a fait craquer. D’autant que, le chroniqueur a ses faiblesses, ma pauv’ dame, je ne connais le groupe berlinois Osta Love ni des lèvres ni des dents, comme dit l’autre.
Seconde impulsion, considérant que la musique est souvent une découverte, j’ai pris la sale habitude – sale habitude parce qu’elle est chronophage – d’écouter ce que je ne connais pas sans a priori et ce de bout en bout, de prime abord, ne m’intéressant ni à la sacro-sainte biographie qui forme la vitrine savante du chroniqueur respecté, ni à l’éventuelle discographie antérieure qui nourrit la boulimie de l’archéologue musical patenté.
Autant vous dire tout de suite que dès l’introduction de « The Isle Of Dogs », le morceau, mes oreilles avides sont attirées. Je dois bien avouer mon penchant de plus en plus attisé pour les artistes souvent classés, faute de mieux, dans la catégorie post-prog. Et sans entrer dans les querelles de clocher des apostats du genre musical, c’est dans cette catégorie, forcément réductrice, que je caserai Osta Love. Je peux donc m’installer confortablement et écouter l’ensemble de l’album sans me demander si j’ai payé ma dernière facture ou si j’ai un rendez-vous urgent à ne pas manquer. The Isle Of Dogs, l’album, se déroule comme une vapeur éthérée, oscillant doucereusement entre des ambiances pop, légèrement prog, un chouilla jazzy, ponctuées de jolis soli de guitare ou de clavier. Et arrive le fabuleux « The Sea » (normal, s’il y a une île, il y a la mer…). Et là, grand sourire ! Une ballade, sur fond de piano et de guitare acoustique, avec des voix magnifiques aux échos impeccables, des breaks minimalistes mais ô combien sublimés, un croisement de tout ce que j’aime, entre Steven Wilson – j’en connais qui vont encore hurler –, Soup et Flood of Red. « Black Beacon Sound » apporte un côté jazzy, catchy, et des airs de samba, on dirait un groupe anglais nourri aux produits interdits des Caraïbes. La mélancolie revient avec « Green Hills Of Home », son piano, ses violons et sa basse bien ronde, beatlessienne même. Bon sang, ils sont anglais ces garçons, ce n’est pas possible autrement ! C’est cette même basse magnifique qui emporte « Moonshine At Midnight » vers des contrées plus soutenues et alambiquées, rappelant tour à tour les Beach Boys, Ten CC, ELO (écoutez les chœurs) et toute la pop anglaise typique. Diantre, j’aime ce disque, et ces garçons sont pétris de talent dans la composition et les arrangements. D’autant que le batteur est subtil, les claviers aériens et les voix superbes (souvent doublées voire triplées).
Et que dire de « Translucent Enginnering », une pièce de 16 minutes qui ravira les amateurs de prog. Une intro de guitare classique, une montée tout en subtilité avec guitare acoustique, piano et voix éthérée (les grandes spécialités de Osta Love semble-t-il) qui laisse place à des claviers antiques et à nouveau une basse bien mise en valeur. Des chiens geignent annonçant le premier pont, plus hargneux, quoi que… et une guitare gilmourienne ! Ces Berlinois ont une culture musicale bien ingurgitée et ils savent la distiller par petites touches savantes. Les breaks se succèdent, comme une suite de collages d’ambiances évanescentes. Du prog, sans être du prog, ou peut-être plus que du prog ! Bon sang, mais c’est bien sûr, comme l’aurait dit Raymond Souplex dans son rôle du commissaire Bourrel : je l’ai dit au début, c’est du post-prog !
Ce disque ne plaira pas à tout le monde, il est beaucoup trop calme pour certains, pas assez rempli de démonstrations instrumentales pour d’autres. Pour ma part, je suis conquis. Les Berlinois de Osta Love, de deux membres sur leur premier album en 2013, Good Morning Dystopia, sont passés à un quatuor bien équilibré qui leur permet de développer toutes leurs qualités, et dieu sait s’ils en ont. Il ne me resterait qu’à les découvrir sur scène pour combler mes attentes et ma curiosité : avis aux organisateurs de concerts et de festivals, j’ai des noms…
Henri Vaugrand
J’ai écouté quelques titres, coup de cœur pour moi aussi. Ils sont très bons dans les moments les plus atmosphériques, mais pas que.. 😉
il a l’air d’y avoir des clins d’oeil à ‘Suspiria’ (le film) dans la vidéo ci-dessus…
C’est Twin Peaks de Lynch !
Excellent disque et magnifique pochette. Me fait un peu penser au très bon groupe suisse Honey for Petzi.