Opeth – Sorceress
Opeth
Nuclear Blast
De groupe pionnier dans la fusion d’un death/doom malsain et d’une folk céleste à un groupe qui s’applique à reprendre les recettes du rock progressif et du hard-rock des années 70, Opeth n’ont pas cessé d’alimenter les interrogations aussi bien du côté des metalleux que des proggeux. En effet, il n’est plus surprenant pour quiconque suit le groupe depuis leurs derniers albums que les rythmes en éruption, l’Hammond menaçant, et les plages de mellotron nous replongent dans un univers passé et dépassé, qu’avaient marqué de leurs sceaux de nombreuses formations qu’une année entière ne suffirait pas pour en faire le tour (qui a entendu parler de Masters Of The Airwaves, Stonehouse, Liquid Smoke ou Nurt ? – bon, les fidèles auditeurs de mon émission webradio du samedi soir sont priés de ne pas lever le doigt). Les metalleux d’un côté n’arrêtent pas de se demander si les albums heavy prog d’Opeth qui se succèdent ne sont pas juste un délire avant que la formation ne revienne à son style de prédilection, quant aux proggeux, ils sont aux anges car ils ne sont plus obligés de « supporter » les démons growlés de Mikael. Mais la pochette de cette nouvelle offrande semble être assez claire : le paon flamboyant (le hard-rock et le rock progressif triomphants des années 70) a eu raison des ghouls et zombies (le death metal).
Quand la guitare classique ouvre l’album avec le mellotron mélancolique, nos lèvres impriment un rictus à notre visage, car on croit reconnaître une version « popifiée » du « Concierto de Aranjuez » de Joaquin Rodrigo, du très mauvais goût pour qui connaît l’original. Contrairement aux albums des débuts, la guitare classique n’alternera pas avec les passages extrêmes qui autrefois permettaient au groupe d’offrir un contraste saisissant et captivant. La bande à Mikael Akerfeldt a quand même souhaité faire plaisir à ses fans de la première heure (donc pas les fans de rock progressif) avec cette voix qui essaye de garder un lien avec les ténèbres par ses accents gutturaux sur le morceau-titre uniquement cependant (attention, on n’est plus dans le growl des débuts mais dans des tonalités gothiques auxquelles Nick Holmes nous avait habitué sur le fabuleux « Icon » de Paradise Lost). Mais l’euphorie est de courte durée puisque s’ensuit une voix claire loin de faire l’unanimité par son manque de charisme.
Le groupe tente également de garder un lien avec le présent par quelques marches doom, mais en cherchant des mélodies fortes et des moments mémorables, on se confronte aux gimmicks groovy des groupes des années 70, quelques solos incendiaires nous ramenant à l’époque des héros du jazz-fusion et des refrains dignes d’une chorale de maternelle ou de répétitions de The Voice (« The Wilde Flowers », « Chrysalis »). On a vraiment l’impression d’un groupe qui suit à la lettre un manuel de caractéristiques des groupes des années 70. Ainsi entend-on une profusion de lave vésuvienne par-ci (rock progressivo italiano), une gigue sylvestre par-là (folk progressif), une symphonie pastorale ailleurs encore (rock symphonique). On les voit aussi s’aventurer dans le Cachemire (heavy folk), ou bien encore tremper leurs produits dans l’acier anglais (heavy metal). L’ensemble est aussi décousu que cette chronique, beaucoup d’idées circulent sans vraiment suivre un fil conducteur qui permettrait à l’auditeur de trouver dans cet amalgame de styles 70’s un semblant d’originalité. Un morceau comme « Strange Brew », sans queue ni tête, avec des transitions des plus discutables, illustre parfaitement ce constat.
L’histoire nous avait habitué à des formations tous azimuts (Dixie Dregs, Mr Bungle, Praxis) mais celles-ci gardaient néanmoins une identité propre, se détachant de leurs influences tout en y multipliant les clins d’œil. Ici, on reste dans le hard-rock et le rock progressif 70’s principalement, mais on tourne les pages du catalogue sans jamais s’arrêter sur un article qui nous interpellerait par son originalité. Il est vrai que Mikael tente de nombreuses ouvertures vocales, mais sa voix (claire) manque d’envergure et irrite même quand elle est traitée à profusion (« A Fleeting Glance ») ou quand elle monte (le démarrage du refrain de l’hymne faussement AOR « Era »). Alors, se pose la question de savoir si la formation suédoise est vraiment sincère dans sa volonté de faire du heavy prog à l’ancienne, ou si sa nouvelle formule est une tentative de capitalisation du marché progressif, toujours plus méfiant vis-à-vis des écarts à une musique répondant à un cahier des charges bien strict (surtout pas de growls, pas de dissonances, pas d’introduction d’éléments drum’n’bass…mais une musique facilement accessible qui ne surprend plus). Un écart qui va à l’encontre de la progression si chère à feu Frank Zappa.
Lucas Biela
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Bonjour à ceux qui me liront! Alors là, je vous trouve trop critique sur cet album. Autant je vous lis tous les jours pour voir vos avis et découvrir de nouveaux groupes ou album mais la, je suis déçu ! Toutes les critiques que j ai lues ailleurs sont positives sur ce nouvel album d Opeth. Et moi même, si je le trouve (et je vous suis sur ce point) chaotique, la musique est quand même de très bonne qualité. C’est de la très bonne zic merde! Je préférais la période growl mais soyons objectif: ça reste du bon prog. Voilà, j’avais juste envie de défendre cette nouvelle galette! A plus…
Bonjour Geffryzz. De manière à ne pas être influencé, je ne lis pas les autres critiques quand je dois produire la mienne. Par ailleurs, l’histoire nous a montré que la majorité n’a pas toujours raison. Il ne suffit pas qu’un groupe fasse « du bon prog » pour qu’il obtienne mon adhésion (les années 70 nous ont offert des milliers de bons groupes de heavy prog, tombés dans l’oubli voire qui n’ont jamais eu le succès attendu, et que je vous invite à découvrir). Je me suis déjà expliqué sur les raisons de mon mécontentement vis-à-vis de cet album, je ne vais pas me répéter à nouveau. Bonne journée.
Hummm … je n’ai écouté que The Wilde Flowers (le titre en écoute sur C&O) et j’ai franchement bien kiffé mais peut-être est-ce parce que je ne me pose pas de questions philosophiques sur la démarche du groupe … devrais-je?
j’aime bien en revanche le groupe proto-canterbury du même nom.