OMOH – Is Leading Nowhere (+ interview)
OMOH
Autoproduction
Des lendemains de fête qui déchantent. Des errances solitaires de dancefloor. Une mélancolie prégnante qui s’insinue comme un mystère, comme une question qui nous trotte en tête et dont on ne peut se débarrasser. Cette atmosphère là, elle vous prend et ne vous lâche plus. Cette façon de tourner sa propre musique intérieure en bande originale, un peu datée, un peu vieillie, comme une mise à distance des jours passés, la modernise intensément. Ces rythmes et ces sonorités 70’s et 80’s agissent comme un retour intérieur, et magnifient de glorieux imaginaires. Car cette impression familière qui jaillit derrière chaque note, ces couches successives de claviers vintage ou non, de solo de guitare inspiré, de batterie impliquée, nous entraîne vers un décalage de notre réalité, à la fois hors du temps et terriblement résonnant d’actualité. La voix traînante de ces cinq chansons, mariée à celle angélique de Marie-Flore, réussit à captiver et retenir, hypnotise. Cinq morceaux à la fluidité exemplaire. Tout s’enchaîne à merveille, « Luxembourg Park » et sa légèreté dansante, love story épuisée, puis « Next Touch » qui s’envole intempestivement, ralentissant le rythme et tutoyant les étoiles avec une guitare en apesanteur, avant de reprendre un tempo dance, et ce petit solo aux claviers très réminiscent de Julien Doré pour qui Omoh a donné les magnifiques « Viborg », « Porc Grillé » et « Corbeau Blanc ».
On peut également penser à Natas Loves You, jeune groupe prometteur lui aussi. « It’s Leading Nowhere » s’attarde avec brio sur une atmosphère électro pop héritée d’un M83. C’est d’ailleurs l’inévitable et indispensable Antoine Gaillet qui réalise le tout, comme pour M83, Julien Doré ou Arman Méliès. Un mix spatial finit par faire tourbillonner nos têtes et c’est un bonheur.
Le titre le plus aventureux, « Idylle To Marie », convoque nos imaginaires dans un film instrumental à rebondissement, dont les arrangements frôlent le progressif, et rappellent par moment Arman Méliès. Le lyrisme de ce titre est réjouissant. Et que dire de ce solo de guitare héroïque lié à ce piano implacable… Un pur moment de musique qui possède ce je-ne-sais-quoi particulier qui font les grands groupes. Du grand art.
Enfin, « Longing Summer » replonge les yeux dans la mélancolie des boums de nos jeunesses, lorsque l’on prenait une fille pour la première fois dans ses bras pour un slow. Même impression de douceur, de grandeur, mais qui nous dit également que tout ceci est terminé, passé, fini. Le passé rejoint le présent et nous laisse, nous abandonne à notre réalité.
Un retour qui fait mal, mais qui donne envie de se replonger immédiatement dans cet EP. Baptiste Homo et Clément Agapitos peuvent se targuer d’avoir encore prouvé qu’ils avaient une marque de fabrique et qu’il faudra compter avec eux. Et c’est tant mieux.
Fred Natuzzi
Baptiste Homo et Clément Agapitos ont bien voulu nous ouvrir quelques portes pour mieux comprendre leur univers, avec humour et gentillesse. Grand merci messieurs !
C&O : « Is Leading Nowhere » est votre deuxième EP. Ce format est-il plus simple à sortir qu’un album complet ?
Baptiste : Je ne crois pas que cela soit plus simple car une sortie, quel que soit le format ou nombre de titres, reste un moment important dans la vie d’un groupe. Et puis pour nous et les personnes que nous fréquentons dans le milieu musical actuel, le format EP est désormais rentré dans les mœurs, mais ce n’est pas le cas partout et cela complique parfois même les choses ! En fait nous ce qu’on aime dans ce format, c’est le fait qu’on peut y raconter une petite histoire bien réfléchie mais brève, et, passer tout de suite à autre chose.
Clément : On va dire que, pour l’instant, raconter une histoire brève nous convient bien, mais on a envie de raconter plus. Sous qu’elle forme ? EP, album… Cela n’a plus vraiment d’importance.
C&O : Drôle de nom pour cet EP ! Ce n’est pas un constat j’espère ?!
B : A vrai dire, si, un peu à l’époque du choix du nom. Nous rentrions en studio alors qu’avec mes indisponibilités à répétition, nous nous étions finalement très peu vu depuis un an. Clément s’est mit à chanter. Nous avons décidé de travailler avec Antoine Gaillet. Puis nous avons changé de graphiste. Bref, on ne savait pas trop ou cela allait nous mener et comme nous sommes toujours plus attirés par ce qui est sombre, nous avons décidé que tout cela ne nous mènerait nulle part.
C&O : Qui compose quoi ? Comment vous répartissez-vous la tâche ?
B : Dans OMOH tout le monde fait un peu tout et ensuite on garde le meilleur ! En fait le point de départ d’une chanson est important pour se souvenir de ce qu’on voulait exprimer à travers celle-ci mais nous laissons très vite les egos de côté. Peu importe qui a eu telle ou telle idée, ce qui est primordial à nos yeux, c’est qu’on la construise ensemble et surtout qu’elle résonne en chacun de nous.
C : Exactement, personne n’a de tâche prédéfinie. Les lacunes de l’un deviennent des qualités, nous nous servons de nos erreurs pour qu’elles nous mènent tout le temps quelque part, là où en tous cas on ne s’attendait pas à être. Quand on compose, c’est un peu une partie de ping-pong freestyle, peu importe qui gagne le point, pourvu qu’il soit beau.
C&O : Quel est l’apport de Marie-Flore au sein d’OMOH ? Fait-elle partie intégrante du groupe ?
B : Marie-Flore nous corrige et parfois même écrit nos textes. Marie-Flore c’est une amie très proche, elle sait aussi nous mettre parfois face à nous-mêmes pour faire avancer des situations, des questionnements ou tout simplement nous conseiller. Le fait qu’elle nous connaisse bien permet une entente quasi-fusionnelle lors de l’écriture des chansons. Mais sinon OMOH reste bel est bien un duo ! Certes très entouré … Ahah
C&O : « Idylle To Marie » est très cinématographique, comme un film 70’s à rebondissement, c’est aussi le titre le plus aventureux. Comment qualifieriez-vous le son que vous recherchez ? Comment Antoine Gaillet le met-il en valeur ?
B : Ahah ! Antoine nous a justement fait 4 sons de batterie différents pour cette chanson ! A vrai dire, nous sommes extrêmement influencés par le cinéma lorsque nous composons. Nous parlons parfois plus par images ou scènes de films que par notes de musique pour se faire comprendre par l’autre. Je dirais que dans ce titre nous recherchions un son doux et tendre mais à la fois sournois et mesquin. Il faut bien avouer qu’Angelo Badalamenti est une très grosse influence chez nous.
C : Ce titre est la parfaite représentation de la partie de ping-pong qui dégénère ! En gros Antoine essaye de faire l’arbitre. C’est un peu un pot pourri de nos influences inavouées. C’est le condensé d’un ensemble de bribes d’idées. Quand on a composé ce titre on parlait seulement en image, en tableau, ça a sûrement influencé le résultat final pour le rendre très cinématographique.
C&O : Baptiste était batteur chez Dig Up Elvis (l’un des premiers groupes de Julien Doré), pourquoi avoir changé d’instrument ?
B : J’étais trop mauvais lorsqu’il fallait faire autre chose que du garage. Et puis j’ai eu envie de savoir jouer un peu de tout pour faire avancer mon travail de composition.
C : Il en joue encore, mais seulement en studio !
B : Chut Clément !
C&O : Pensez-vous continuer à proposer des musiques à Julien Doré ? « Viborg », « Corbeau Blanc » et « Porc Grillé » sont vraiment exceptionnelles !
B : Merci Fred ! Oui, en effet nous souhaitons continuer à collaborer avec lui car c’est un artiste rigoureux qui sait ce qu’il veut et qui à la fois est extrêmement curieux de découvrir de nouvelles sensations musicales. Cela rend le travail à ses côtés vraiment très épanouissant. Et puis on aime bien le surprendre et inversement !
C&O : Sur quels autres projets musicaux êtes-vous impliqués ?
B : Oula ! Nous avons travaillé avec le groupe Breton, avec The Pirouettes aussi, avec le duo electro Panzer Flower, et puis récemment sur le prochain album d’Alex Beaupain. Nous avons également travaillé avec The Rusty Bells qui sont des potes à nous de Toulouse et puis il y a eu TYP, Thomas Louise. Nous allons bientôt terminer le prochain EP des Teach Kids Manners aussi… Bref, pas mal de rencontres ces deux dernières années !
C&O : Quelles sont vos influences et quelles musiques écoutez-vous actuellement ?
B : J’écoute beaucoup de rock en général, aussi large que cela puisse être. J’aime beaucoup les B.O de films aussi. Mes groupes de cœurs sont Black Rebel Motorcycle Club, Brian Jonestown Massacre, The Velvet Underground et Suuns. Mais en ce moment, c’est plutôt Sufjan Stevens, Sleaford Mods et le dernier album d’Arman Méliès bien sûr !
C : Là aussi on joue au ping-pong ! Bon j’arrête avec cette image… Pour ma part j’ai beaucoup écouté d’électro plus jeune, maintenant j’écoute de tout. Faut être curieux…
B : C’est vrai qu’avec Clément on peut parfois écouter un bon vieux Las Ketchup, une Macarena ou un « Afrique Adieu » de Michel Sardou juste pour retrouver un son ou un effet qui nous a marqué. Mais bon, c’est plus pour le travail ! Hein Clément ?!
C&O : Des projets de tournée ? Que peut-on attendre d’OMOH en live ?
B : Nous bookons des dates un peu comme on peut car nous n’avons pas de tourneur, donc il va falloir être patient pour la « tournée » ! Mais pour parler du live, nous avons essayé de garder la puissance qui se dégage des titres tout en affûtant le show d’un tranchant bien rock. Du moins on essaye, mais il est encore difficile d’avoir du recul !
C&O : Sous quel forme pourra-t-on se procurer le EP ?
B : Vinyle et mp3. Avec cette merveilleuse invention qu’est le petit coupon de téléchargement du EP au fond de la pochette du vinyle.
C : Bien évidemment nous n’avons pas non plus de distributeur physique, donc on va le faire nous même. Contactez-nous et on vous envoie le vinyle. Après il sera disponible sur toute les plates forme de téléchargement légal voir illégal…
Propos recueillis par Fred Natuzzi