Nick Cave And The Bad Seeds – Ghosteen

Ghosteen
Nick Cave And The Bad Seeds
Kobalt
2019
Fred Natuzzi

Nick Cave And The Bad Seeds – Ghosteen

Nick Cave Ghosteen

Nick Cave a perdu son fils de 15 ans en 2015 suite à sa chute d’une falaise sous l’emprise du LSD. Choc émotionnel intense que personne n’ose imaginer. Skeleton Tree sort en 2016 et même si la plupart des compos ont été écrites avant la tragédie, l’ensemble se ressentait encore plus douloureusement. Ghosteen est l’album de deuil de Nick Cave. Mot à mot, « Ghosteen » peut se traduire par « adofantôme ». L’opus proposé ici sera donc forcément difficile, mélancolique, triste, douloureux. L’intimité à vif explose dans des morceaux évanescents, comme si Nick lui-même errait dans des paysages musicaux désolés à la recherche de la mémoire de son fils. Il expose ses sensations, ses sentiments, ses souvenirs. Accompagner Nick Cave dans son travail de deuil, voici ce qui est proposé. Indécent ? Impudique ? Sans doute. Mais pour que la vie continue, son truc à lui était peut-être de faire ces chansons.

L’album a été annoncé peu avant sa sortie en format digital, avec une pochette assez inquiétante quand on connaît les précédentes : des animaux dans un lumineux jardin d’éden. Gros contraste avec celle de Skeleton Tree… Puis l’opus est sorti en physique suivi de l’annonce d’une tournée avec un passage par Paris à … Bercy. Bercy ? Comment Nick Cave And The Bad Seeds vont-ils faire pour transmettre les émotions de cet album dans cette immense salle ? Et pourquoi pas le Stade de France ??? il y a de quoi s’interroger sur cette démarche. Est-ce pour mieux exorciser la douleur et communier avec un public présent en connaissance de cause ? Ou est-ce purement mercantile ? Ces extrêmes qui consistent à faire du minimalisme dans des salles énormes avec en sous-texte la mort me gênent un peu. Et pourtant, ses concerts au Zénith pour l’opus précédent étaient énormes et réussis, avec un Nick Cave qui n’avait jamais été aussi vivant sur les planches, qui allait chanter avec le public dans les gradins et qui le faisait monter sur scène à la fin du concert. Que nous réserve-t-il pour Bercy ? Mystère à cette heure…

Nick Cave Ghosteen Band 1

Ghosteen suit donc la lignée de Skeleton Tree et développe un incroyable travail d’ambiance où la voix de Nick Cave tutoie l’obscurité et cherche la lumière. A la limite de l’ambient et du post rock, Nick Cave se débarrasse de tout ce qui est purement rock pour dessiner un paysage propice à l’errance, aérien et lourd à la fois, avec beaucoup de piano et de textures électro. C’est bien sûr d’une beauté absolument sidérante et ce tout au long de ces 11 morceaux pour 68 minutes divisées en deux parties : les huit premiers titres pour « les enfants », les trois derniers pour « les parents ». D’une richesse éblouissante, chacun des morceaux s’écoute religieusement et au fur et au mesure que l’on avance dans cette ambiance hypnotique, lancinante et hautement émotionnelle, on ne peut qu’être abasourdi par tant d’analyse de la part de Nick Cave sur l’avancée de son deuil. Ghosteen c’est un voyage au bord de l’abîme, culminant avec « Ghosteen Speaks » et ses plaintes lancées vers le ciel.

Nick Cave Ghosteen Band 2

Nick Cave le dit dans « Spinning Song » en ouverture du disque et le répète à la fin sur « Hollywood » : il cherche la paix intérieure et il y aura un temps où il arrivera à la trouver. En attendant, il ressasse sa perte, son incompréhension, sa douleur, poétise l’existence et la mort dans une sorte de longue litanie cathartique adressée à son fils, au destin inexistant (bouleversant « Fireflies »). Et c’est beau. C’est tristement beau. Ou comment arriver à transcender l’impensable en une immense fresque musicale avec dignité. Souhaitons à Nick Cave d’avoir trouvé sa paix avec ce disque plus qu’émouvant.

https://www.nickcave.com

 

3 commentaires

  • In addition to Cave’s Christian imagery, the lyrics for the closing track « Hollywood » reference the story of Kisa Gotami, a Buddhist who seeks help from the Buddha after the death of her child and discovers that « no one is untouched by loss. »

  •  » (anglicised as « een »), which translates to English as « little », « small » or « benevolent ». Cave took the title from a book about Irish tinkers, in which the author believes his crying child has been possessed by a ghost.

  • Pierre

    Merci d’avoir programmé une grande salle pour un concert unique à Paris.
    Oui, c’est gênant mais nous serons plus nombreux à partager cette immense messe. C’est vrai que certains auraient préféré un concert plus intimiste, un entre nous qui leur serait offert.

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