Nexus – Aire
Nexus
Fonocal
Six années se sont écoulées depuis la parution de « Perpetuum Karma », dernier album en date de Nexus, une formation basée à Buenos Aire qui avait rencontré un beau succès d’estime auprès des amateurs de prog symphonique dès l’inaugural et imposant « Detras Del Umbral » publié en 1999. Les argentins sont aujourd’hui de retour avec un nouvel album et un line-up quelque-peu modifié. Si Machy Madco reprend la basse laissée par Daniel Lanniruberto, membre originel du groupe, il n’y aura pas de poste vacant suite au départ du chanteur Lito Marcello (qui lui-même succédait à Mariela Gonzalez sur « Perpetuum Karma »), puisque c’est Lalo Luber lui-même, claviériste et leader incontesté de Nexus, qui assure le chant en espagnol sur « Aire », 4ème opus de la formation sud-américaine. Dans ce nouveau registre, on ne peut pas vraiment dire que le musicien excelle autant que derrière ses multiples claviers qu’il manipule toujours avec le même brio. Sa voix possède une tessiture certes pas désagréable, mais celle-ci manque foncièrement de nuances, de puissance et d’expressivité. Fort heureusement, le chant de l’instumentiste virtuose est toujours juste, ce qu’il l’aidera un tant soit peu à faire illusion.
Dommage donc d’avoir fait l’économie d’un vocaliste accompli pour donner encore plus d’intensité à ce nouvel album globalement réussi, toujours ancré dans la plus pure tradition symphonique amorcée à l’aube des années 70 par les grandes pointures du genre, Yes et Emerson Lake & Palmer en tête. Et dans ce style aujourd’hui bien balisé, « Aire » va même peut-être encore un peu plus loin que ses 3 devanciers. Par rapport à « Perpetuum Karma », dont trois titres dépassaient le quart d’heure, « Aire » voit en revanche ses compositions un peu plus ramassées en terme de durée, aucune d’entre-elles n’excédant les 8 minutes au compteur. Heureusement, le groupe de Lalo Huber ne perd en rien de sa flamboyance ni de son lyrisme pour autant, et le plaisir de le retrouver à l’œuvre reste intact, même si « Aire » n’innove nullement et ne fait que perpétrer l’amour inconditionnel de son mentor pour ses influences citées plus haut. On peut en cela rapprocher la démarche de Nexus à celle des américains de Glass Hammer, avec lesquels ont sait au moins toujours à quoi s’en tenir.
Le ton est donné avec « Espejismo », un titre où il ne manque que la voix céleste de Jon Anderson pour en célébrer toute la dimension yessienne ! Parmi les grands moments de l’album, citons aussi en vrac le très camélien « Jardin De Los Olivos » et son final extatique qui va crescendo, le sublime et complexe « El Corte Final », dont le style très estampillé ELP, déluge d’orgue hammond et de mini-moog à l’appui, se taille au passage un petit clin d’œil mélodique au « Larks’ Tongues In Aspic part 2 » de King Crimson, ou encore l’épique « Tiempo De Cambrar » qui aurait pu conclure le voyage en apothéose en lieu et place du trop pompeux et laconique instrumental « Alta En El Cielo ». On relativisera également sur « La Explication », qui malgré quelques breaks instrumentaux de haute volée, reste un peu pénible à l’écoute de par la banalité de ses parties chantées. Idem pour « Rey Di Pedra » ou « Alma De Sombra », qui, si elles font office d’accalmies bienvenues dans cet agencement de pièces dominées par des claviers empathiques, des guitares lyriques et des contretemps rythmiques à foison, ne brillent vraiment pas par leur force mélodique.
A l’arrivée, « Aire » n’en demeure pas moins un très bon disque volontairement conservateur, magnifiquement arrangé et mis en boîte par des musiciens qui maitrisent leur sujet. Une œuvre qui devrait donc ravir les fans de rock progressif les plus nostalgiques, et j’espère en séduire d’autres, car la qualité et la sincérité sont décidemment toujours au rendez-vous avec Nexus.
Philippe Vallin (7,5/10)