Neurosis – Through Silver In Blood
Neurosis
Relapse Records
S’il y a bien une chose que j’ai saisi avec Neurosis, c’est que l’objectivité est un concept abscons à mettre illico à la décharge. Pourquoi ? Parce que la musique, et sa cohorte de sonorités disparates s’adressent non pas via des mots, mais par des émotions. Écouter un album de Neurosis c’est naviguer au fond de ses propres troubles et excitations personnelles. Personne n’aura la même expérience. Physique ? Psychologique ? Primale ? Allergique ? Autant de réactions qui s’appliqueront différemment pour moi ou toi qui regardes l’écran de ton ordi, comme pour d’autres. Neurosis fout en branle ton cerveau, le ronge d’une multitude d’ambiances et d’incarnations dont on n’arrive à peine à distinguer les contours, et ça le sépare comme on coupe une pêche.
Neurosis, c’est une vallée désertique. Mais on perçoit toujours quelque-chose sur cette terre désolée. Et puis l’intensité se fait sentir. D’abord, c’est comme un picotement, puis le souffle gagne en puissance, férocité, on se sent épié… Les picotements se font plus insistants, se changeant en fourmillements, obligeant à rester immobile. Le ciel se couvre en même temps que résonnent les tambours. Neurosis te traque et il le fait à sa manière. Sa violence est sèche, brute, tel un fauve sautant à la gorge, mais gavée d’amplitudes, bouillante, évolutive. On croit y échapper mais elle nous rattrape. Pas de compression physique, mais une présence immatérielle, une ambiance indistincte. Faire front ? Inutile, on le sait. On se retourne et on attend, effrayé mais excité. Au milieu de ce combat entre ciel et terre, de cette lourdeur écrasante, des voix, brouillées, malaxées dans une fournaise radiophonique.
La réalité m’échappe, je m’en rends compte seulement. Songe de ce que j’ai déjà entendu ? Percée d’une matérialité qui me dégoutte ? C’est rugueux comme prendre un serpent entre ses doigts ou des martèlements tribaux qui s’étirent. Je pars ! Exaltation lugubre, chamanique, les sentiments se mélangent. Mon corps vibre comme un diapason, des formes ondulantes se massent à mes pieds. Mon nez saigne, à moins que ce soit mes yeux. Pourtant, je ne suis pas aveugle… Je m’en tape, car ressentir, c’est voir. Ces murs de guitares sont une invitation à cracher ma rancœur. Je le fais, j’exulte. Mes yeux, au paroxysme de la fureur, changent. L’iris se transforme, mes pupilles sont noires. De toutes mes forces, je frappe le sol de mes poings avant de m’effondrer.
Écouter, sentir, trembler au martèlement hypnotique… Que faire ? S’engouffrer dans le magma, se laisser emporter par la tempête, porter SA rage au maximum de ses capacités, se créer un monde et y naître… « Trough Silver In Blood » donc, c’est zéro objectivité.
Jérémy Urbain (franchement ? Suis-je sensé en mettre une ? Allez, 20/10)
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