Neurosis – Given To The Rising
Neurosis
Neurot Recordings
Je ne sais pas comment ils font. Un vent qui sent le soufre auprès des fans. Ça ne sent pas bon, diront les météorologues avertis. Un groupe qui n’a plus rien à prouver, et qu’une certaine pression fait qu’on attend toujours le nouvel album comme le messie animiste, alors que des jeunes loups ont déjà dépecé une partie du festin. « Given To The Rising » est un peu une manière de passer sous compresseur vingt ans de carrière, et de le sortir sous une enveloppe qui claque. Même si la pochette est aussi fascinante que rigolote, c’est bien l’angoisse qui étreint. Un album somme ? Ça sent la panne sèche. Je ne sais pas comment ils font. Bien sûr, Neurosis, c’est avant tout une affaire personnelle. Ça ne concerne pas un groupe de personnes mais une seule, celle qui écoute. Eh bien, profitons-en pour les différencier, les classer ces auditeurs-là, prototypes.
Les fans absolus de la période 90 par exemple, qui ne peuvent avoir d’érection ectoplasmique qu’avec les albums s’arrêtant à « Times Of grace ». N’oublions pas les fans « hard-de-chez-core », des chamans tatoués à grosse barbe, quelques dents en moins, même s’ils font caca sur la moquette, c’est forcément génial. Il y ceux qui détestent, ils ont essayé, n’ont jamais compris et ne s’en portent pas plus mal. Et puis, les déçus, ceux qui achètent quand même ou attendent le promo. Ils cracheront leurs fiels telluriques en commentaire de bas de page avant d’être oubliés.
Comment font-ils ? Si on détruit un album avec des mots, on se retrouve avec un contrat sur la tête. Ça en fait des morts. « Given To The Rising » peut sembler le cul entre deux chaises, ouais. Car ce qui lui fait le plus mal, c’est sa position historique et sa scission de fans dont finalement on se tape le coquillard. Une expérience personnelle, et tout le monde veut la mettre comme étant universelle. Rien n’est universel si ce n’est de le penser. Alors oui, ça sent encore la tornade, les riffs lourds de chez lourds qui ECRASENT, la suspension d’ambiance, les climats qui se renouvellent, bouillonnants, cassants, dronisants, fracturants. Les voix reniflant le granit, les épaules qui se plient, les triturages atmosphériques, pesants, étranges. De l’abstraction à douze mains, une ambiance crépusculaire.
Comment font-ils ? C’est captivant autant qu’imprévisible, et ça se bonifie avec le temps. Encore un ! Neurosis, c’est un piège, un cellier de textures où les constructions implacables mûrissent, donnant cette impression d’avoir été mis en bouteille et sur le marché trop tôt ou trop tard. Un soupçon de déjà-vu, de cliché peut-être, mais. Bon sang qu’est-ce que ça ramone ! Il y en a pour tous les goûts, et aucun. Et le temps passe… Comment font-ils Bordel !!?!?
Jérémy Urbain (8/10)