Neil Young – The Visitor + Paradox + Songs For Judy
Reprise
2017 / 2018
Fred Natuzzi
Neil Young – The Visitor + Paradox + Songs For Judy
Neil Young va décidément plus vite que la musique ! A peine trouve-je le temps d’enfin parler de Paradox, la bande originale du film de Daryl Hannah, enregistrée avec Promise Of The Real, qu’il exhume un live admirable enregistré en novembre 1976 intitulé Songs For Judy. Et je ne vous cache pas que j’aurais aussi bien aimé vous exposer mes vues sur The Visitor, dernier « vrai » album en date du « loner » et des fils de Willie Nelson. Eh bien, puisqu’il en est ainsi, autant vous parler des trois en même temps dans cette chronique ! Et on commence dans l’ordre par The Visitor.
The Visitor
Tout juste un an après la parution du décevant Peace Trail, Neil Young revenait avec Promise Of The Real, groupe avec lequel il avait enregistré le très moyen The Monsanto Years, pour un The Visitor qui semblait le montrer en plus grande forme, tant vocalement qu’au niveau de l’inspiration. « Already Great » est l’une de ces chansons où on se dit qu’on tient là un très bon album. Mais en fait non, bien malheureusement. Il devrait décidemment laisser tomber les « chorales » car celles de « Change Of Heart » et de « Children Of Destiny » (titre sirupeux à oublier immédiatement) font grincer des dents. Bizarrement, pas celle de « Already Great » ! Celle de Living With War (2006) rendait l’album carrément inécoutable par moment. Mais Neil Young a le mérite de diversifier son propos, comme avec l’étonnant « Carnival » et ses huit minutes qui nous plongent dans une espèce de cirque mexicain ! Un grand moment ! « Almost Always » et sa folk acoustique nous ramènerait presque à Harvest Moon ! Le reste de l’album est tout juste moyen. Même les 10 minutes de « Forever » en fin d’album, calme et gentillet, ne sauvera pas The Visitor et il se retrouvera bien rangé avec les autres albums moyens de son auteur. Et pour l’instant, Promise Of The Real, en studio en tout cas, n’est pas arrivé à la cheville du Crazy Horse, loin de là. Et ce n’est pas Paradox qui va me contredire. Quoi que…
Paradox
Tout juste quelques mois après The Visitor déboule Paradox, annoncé comme la bande-originale d’un film de Daryl Hannah, la compagne de Neil. Il y joue « l’homme au chapeau noir » et c’est un western. Disponible sur Netflix, Neil y joue quelques-uns de ses morceaux mais les revisite soit par petits bouts, soit en les rejouant d’une autre manière. 21 titres, mais peu dépassent les trois minutes. On est loin de la magnifique bande-son de Dead Man, avec ses riffs de guitare crépusculaires et ses ambiances de damnés ! Mais on a quand même droit à des passages électrifiés comme « Paradox Passage 1 », et on se dit qu’il devrait peut-être sortir un album entièrement de cette veine. Alors, on retrouve des bouts de chansons disséminés un peu de partout, des auto-citations donc. On croit que ça va partir, mais …non. Il faut quand même attendre la piste 8 pour avoir un morceau en entier, c’est « Peace Trail », le meilleur moment de l’album du même nom. Entièrement acoustique ici, c’est effectivement une bonne chanson. Suit une version live de « Pocahontas », très grand titre du loner, dans une version inédite. Le grand moment, que dis-je, l’énorme pièce de résistance, c’est « Cowgirl Jam », en live, en instrumental et sur plus de dix minutes. Cette fois-ci, on croit Crazy Horse ressuscité par tant de connivence électrique. Magique ! « Diggin’ In The Dirt » est une complainte folk qui sent bon le feu de bois, tout comme « Angels Flying Too Close To The Ground », reprise de Willie Nelson très réussie, chantée par un de ses fils. Citons encore les 51 secondes génialement folk de « Offerings », le blues crasseux de « How Long ? » ou pourquoi pas les envolées de « Running To The Silver Eagle ». Enfin, « Tumbleweed », du très moyen Storytone clôture au banjo cette B.O peu convaincante dans son ensemble. On en est là pour les nouveautés youngiennes. Vaut peut-être mieux se replonger dans le passé, hein ? Bah tiens, voilà que Neil nous offre un live de 1976, Songs For Judy. Qu’est-ce que ça donne ? Non, mais sérieux, vous me posez vraiment la question ?
Songs For Judy
Judy Garland aurait été aperçue par Neil Young dans les coulisses du concert. Enfin, son fantôme. Oui, parce que Neil était très « high » en ce temps là (et là ça s’entend bien!). Ou « aware » comme dirait l’autre, je sais pas. En tout cas, cette anecdote qu’il explique dans l’intro du live donne le titre à cet ensemble de chansons enregistrées sur plusieurs dates. En effet, le « loner » jouait une première partie seul, puis Crazy Horse le rejoignait. Autant le dire, le son est magnifique, et c’est du pur caviar. A l’époque, Neil n’avait pas peur de délaisser ses vieilles chansons pour en jouer des nouvelles, devant un public tout acquis à sa cause. De nombreux morceaux sont donc joués en acoustique pour la première fois devant un public médusé par tant de créativité. « Campaigner », « Too Far Gone », « Human Highway », « Love Is A Rose », « Pocahontas » et « Give Me Strength » étaient nouvelles à l’époque. « White Line » est un titre qui sera donné à Crazy Horse, c’est donc une rareté ! Et puis un inédit, « No One Seems To Know », étonnamment sombre, au piano. Alors, on pourrait citer tous les titres, rien que pour se faire plaisir. Retenons le banjo de « Human Highway » et « Mellow My Mind », le classique et indémodable, même aujourd’hui, « Heart Of Gold », les rares « The Losing End », « Here We Are In The Years » et « Journey Through The Past », ou encore la sublime version finale de « Sugar Mountain ». Un live exceptionnel, à posséder absolument.
L’actualité de Neil Young, depuis quelques années, est toujours chargée. Au détriment, peut-être d’une qualité dans les sorties nouvelles, d’autant plus mise en relief par les différents albums issus des archives. Par contre, Neil Young continue de subjuguer tout le monde avec son aisance fabuleuse et sa générosité quand il est sur scène. Neil, on le sait, n’en a plus rien à foutre. Nous non plus finalement. Nous continuerons de le suivre jusqu’au bout de sa route, encore longue on l’espère. Sa légende est écrite, elle s’entend encore résonner, et elle traversera les âges.