Neil Young + Promise Of The Real – The Monsanto Years
Neil Young + Promise Of The Real
Warner Bros
Monsanto, vous connaissez ? Petit rappel alors ! Firme américaine géante de la chimie qui a produit l’agent orange dans les années soixante, puis reconvertie dans l’industrie agricole biologique en proposant des semences et des herbicides (certains se révéleront toxiques!), Monsanto est devenue le premier fournisseur mondial d’OGM. Avec un tel monopole, les fermiers américains (mais pas qu’eux) en subissent de plein fouet les conséquences. Neil Young, impliqué dans le Farm Aid, un concert en faveur des agriculteurs américains, s’est donc pris un coup de chaud, et a décidé de dénoncer publiquement Monsanto à travers sa musique. On n’avait pas revu le Neil Young politisé depuis « Living With War » en 2006, époque où il militait pour un « empeachment » du président Bush, en clair, le destituer le plus vite possible suite à toutes les conneries qu’il a pu faire ! Et Neil de s’entourer d’une chorale de manifestants se tenant tous par la main devant la Maison Blanche et de chanter des invitations à virer l’Aigle de son bureau ovale, produisant ainsi l’un des plus mauvais albums de sa carrière. On pouvait alors se demander si faire une œuvre musicale pour passer un message politique était un bon concept. Du coup, « The Monsanto Years » arrive avec quelques a priori. Entouré des fils de Willy Nelson, opérant sous le nom « Promise Of The Real », en référence à la chanson « Walk On » de Neil himself, il enregistre très (trop?) rapidement cet opus, avec un son assez garage, crade, mais quand même bien étudié.
Cependant, les premiers morceaux ne citent pas Monsanto, mais évoquent le peuple et sa faculté à ne pas s’intéresser aux problèmes qui se passent sous leur nez. Dit de manière très directe, il est curieux de voir que Neil n’en a vraiment plus rien à foutre (voir les chroniques de « Psychedelic Pill » et « Storytone »), même de son public finalement. « New Day For Love » possède des riffs Youngien en diable, mais les chœurs rappellent les mauvais moments de « Living With War » ! Heureusement, le côté rock de la chose rattrape le tout. La hargne est là, et Neil joue comme jamais. Puis surprise, on revient au bon vieux temps d' »Harvest Moon », guitare acoustique, harmonica et rythmique country en avant pour une respiration (déjà ?) champêtre. Pas d’artifices, la voix de Neil étant ce qu’elle est, par moment on peut s’autoriser à grincer des dents.
« People Want To Hear About Love » s’engage sur un tempo rock très basique, et même si cela reste sympathique, la chanson s’éternise. « Big Box » s’étend sur 8 minutes, et là, la magie Youngienne opère à fond avec un son très Crazy Horse, certainement voulu, puisque « Promise Of The Real » est un grand fan ! Cavalcade rock, puissance des guitares, un moment électrique rappelant le meilleur des années 90 du loner. « Rock Star Bucks A Coffee Shop » dénonce avec humour la société Starbucks qui serait complice de Monsanto. Dommage que le côté potache de la chose avec chœurs et sifflements atténue la portée du discours. « Workin’ Man » est lui aussi très basique, avec une énergie bienvenue, mais encore une fois, sa portée est anecdotique.
Pas mieux avec « Rules Of Change » qui aurait mérité d’être plus travaillé et qui remporte le prix de plus mauvais titre de l’album. « Monsanto Years » convainc légèrement plus, mais on a envie que cela se termine. Et cela finit plutôt bien avec « If I Don’t Know » assez Beatles style Harrison par moment, et bien mené.
C’est d’autant plus rageant que « The Monsanto Years » possède quelques grands moments, mais la spontanéité des enregistrement fait que l’ensemble pêche par manque de recul. On trouve en fait une bande de potes au bistrot qui se sont laissés aller à vouloir refaire le monde. Et l’impact du disque s’en ressent. Neil Young n’en a plus rien à foutre, mais du coup, on en est pas loin non plus…
Fred Natuzzi
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