Nebia – Monolithe
Autoproduction
2017
Nebia – Monolithe
Les membres de Nebia se définissent eux-mêmes comme un power jazz trio teinté de rock progressif et de free-jazz. Et à lire la brochette impressionnante d’influences qu’ils revendiquent, parmi lesquelles on peut citer Guillaume Perret & The Electric Epic, Tigran Hamasyan, Medeski Martin & Wood, Zu, Steven Wilson, Happy Apple, King Crimson, Pink Floyd, Émile Parisien et Esbjörn Svensson Trio, on pourrait se méprendre et croire que Nebia n’est qu’une formation bien jeune se cherchant encore une personnalité. Certes, ce trio rennais ne date que de 2014, mais de la personnalité, il en a à revendre. Sûrement est-ce d’abord dû à sa configuration intégrant Alexandre Armand au saxophone baryton, Joris Prigent aux claviers et Julien Massé à la batterie. Pas de guitare ni de basse, donc. Cela oblige le sax et le Fender Rhodes à occuper le terrain différemment, l’un avec l’autre ou l’un contre l’autre, match arbitré par les fûts qui tentent eux-mêmes parfois de se tailler la part du lion. Ce qui confère un son atypique à ce trio, qui opère de plages presque trop calmes à des paroxysmes dantesques tout en s’offrant des entre-deux tour à tour franchement jazzy ou bizarrement étranges.
Oui, difficile en vérité de situer Nebia. D’autant que la formation lorgne aussi, comme nous le disions plus haut, vers le rock progressif et le free-jazz. Dès lors, on ne sait plus trop à quel style attribuer les longues errances de Joris sur ses claviers ou les méandres souvent rugueux du sax d’Alexandre. La batterie de Julien se perd aussi de temps à autre dans les eaux incertaines de rythmes encore inexplorés et quelques fois sauvages. Non, Nebia n’est pas un trio tout gentil tout doux. Il sait même se montrer tribal, inquiétant ou déjanté. Mais si on reste calme et attentif au milieu du torrent, le trio s’avère constamment passionnant, maître de ses dérives, carré malgré ses folies, cherchant juste ses voies dans des sentiers rebelles et repoussant sans cesse ses propres limites pour mieux les ignorer. Des jeux de mots idiots me viennent à l’esprit. Le sax barrit mais le Fender rôde. Ce n’est pas si stupide au final. Car entre les deux, on ne sait souvent plus qui est le chasseur ou le chassé aux instants où la batterie rit. C’est aussi bien ainsi, force doit rester à ce genre d’énigmes.
De fait, le plus bel exploit du trio Nebia est d’avoir fait de Monolithe, un album plutôt court de par sa durée, 25 minutes environ, un opus solide, riche, dense et puissant. Du coup, l’album s’écoute facilement d’un trait, révélant en une fois ses orages de fréquences hallucinées, ses passages plus paisibles et ses moments d’ailleurs absolu. C’est bien là le credo de ce trio : « Notre musique allie à la fois l’improvisation et la liberté du jeu, l’énergie débridée et un désir de surprendre l’auditeur, un univers entre ombres et lumières et une atmosphère tour à tour planante et dynamique. » Ajoutons aux mots de Nebia les dessins d’Axel Gournay, qui a illustré Monolithe. Une incontestable réussite graphique qui donne encore davantage à ce « petit album » des allures de « grand ». Mince, je divague à nouveau. Monolithe n’est pas un album « petit ». C’est juste un grand verre de sacrément bonne musique à s’envoyer cul sec !
Frédéric Gerchambeau
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