Muse – Drones
Muse
Warner Music
Matthew Bellamy avait promis un retour aux sources. Moins de chichis et d’effets pour un son direct et rock. On attendait donc beaucoup de « Drones », Muse revenant à quelque chose de plus authentique, l’annonce donnait envie. Le groupe a effectivement repris des couleurs, mais ce n’est pas encore tout à fait ça. D’une part parce que les paroles de Bellamy restent ancrées dans ses obsessions de révolte et de liberté contre un tyran quelconque, et ce thème est présent dans énormément de titres dans tous les albums (au moins depuis le gigantesque et indétrôné « Absolution »), d’autre part parce que les influences musicales sont encore trop présentes (on entend toujours par-ci par là U2 et Queen en tête, Depeche Mode, Rage Against The Machine et même AC/DC !). Sur ce point, il est vrai que Muse a cherché à composer des morceaux qui lui ressemblent, et c’est le point fort du disque : les ambiances sont Musiennes, mais encore trop saupoudrées de sonorités semblables à d’autres groupes. Pourront-ils un jour s’affranchir de celles-ci ? On peut penser que non, et qu’elles font maintenant partie intégrantes du son Muse.
Muse se transforme alors en groupe somme, monstrueuse entité, qui devra coûte que coûte reprendre le flambeau d’un Queen ou d’un U2 en berne. Le remplissage des stades à chacune de leur tournée le montre bien, Muse est condamné à convaincre les masses. Le soubresaut amorcé avec « Drones » est peut-être la lueur d’espoir, pouvoir remplir un stade avec une musique sophistiquée, exigeante, tout en restant abordable. L’exploit d’ « Absolution » en somme. La comparaison avec Queen n’est pas fortuite : voix lyrique, rock progressif et pop, opéra, expérimentation sur les sons, tout cela se retrouve en Muse. Mais attention : à trop vouloir ressembler à un groupe, on y perd son âme, sa couleur, et on devient un tribute band.
« Drones » est un concept album, annoncé tel quel par Bellamy, sur les thèmes qui lui tiennent à cœur, évoqués plus haut. Mais la teneur des paroles est tellement bas de gamme que l’on passera volontiers l’étude de celles-ci. Comme précédemment Steven Wilson et son obsession des drogues chez les jeunes, Bellamy devra évoluer et passer à autre chose. Musicalement, Muse a enlevé les intros trop chichiteuses et passe directement dans le vif du sujet avec « Dead Inside », surprenant titre d’ouverture au tempo lent avant un décollage en fin de morceau, avec un Bellamy qui retrouve sa voix lyrique des beaux jours. On a droit à un interlude filmique à la « Full Metal Jacket » puis au single « Psycho » au riff super efficace, et une mélodie typiquement Muse, aux guitares reines. Du Muse comme on l’aime, avec un beau final, qui fera un très bon moment de concert.
Après un « Mercy » plus calme sans trop d’âme vient le très bon « Reapers » et ses côtés prog plutôt sympa (un peu de Rush?). Un titre où la basse tient bon la barre, et ça fait du bien. « The Handler » passe par plusieurs phases mais convainc à moitié, malgré un beau final. Passé un speech de JFK, on enchaîne avec « Defector », ultra Queenesque, où le héros du concept se libère du joug de l’oppresseur. Morceau très plaisant, mais trop ancré ailleurs musicalement. « Revolt » fait tomber le soufflé dans une pop sirupeuse facile, travers qu’on pensait éviter sur cet opus. Raté.
Passons vite à « Aftermath », ballade à la guitare Hendrixienne, inoffensive malheureusement et en plus un brin naïve. « The Globalist » s’ouvre façon Ennio Morricone, avant qu’une guitare Pink Floydesque s’élève dans ce paysage de western, puis une partie plus métal arrive avec une mélodie marquée Muse, pour finir sur un piano et une mélodie Queen, comme les affectionne Bellamy. 10 minutes plutôt réussies, une construction aventureuse, un final lyrique, on retrouve le Muse qui avait su se démarquer il y a plus de 10 ans. Par contre, finir avec « Drones », a capella, avec multiples voix opératiques aux harmonies religieuses, c’est gonflé. Pas génial, mais gonflé !
Alors un retour aux sources ? Pas complètement. L’album aurait pu sortir après « Absolution », oui. Mais on sent quand même l’impact des trois opus qui ont suivi et qui ont « abîmé » le son du groupe. « Drones » est quand même beaucoup plus axé rock que les précédents, ne s’éparpille pas, et gagne donc en cohérence. Le retour des guitares metal est une très bonne nouvelle pour qui aimait Muse dans son habit le plus sauvage. On pourra donc pardonner les influences encore trop palpables et on espère un prochain album encore plus Muse.
Fred Natuzzi (8/10)
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