Mira Cétii – Cailloux & Météores
ArtDisto / L’Autre Distribution
2020
Christophe Gigon
Mira Cétii – Cailloux & Météores
Mira Cétii est Aurore Reichert, chanteuse extraordinaire, guitariste émérite et compositrice haut-de-gamme, connue, entre autres activités, pour son rôle de vocaliste du magnifique projet Alifair mené par le racé guitariste lorrain Jean-Pascal Boffo, musicien et ingénieur du son, jadis collaborateur de Christian Décamps (Ange) sur les albums Nu (1994) et V’soul Vesoul V’soul (1995). La notoriété d’Aurore Reichert est donc établie parmi le public amateur de rock progressif ou de musique expérimentale made in France. C’était bien évident qu’avec tous les atouts dont Aurore pouvait faire jouir son public, elle n’allait pas attendre avant de se lancer dans une carrière en solo, même cachée sous le pseudonyme de Mira Cétii.
Cailloux & Météores est déjà sa quatrième production. Après ses précédents E.P. portant des noms de constellations et chargés de mythologies célestes, Mira Cétii décide d’enfin proposer son premier véritable album. Et quel album ! Onze titres de pop expérimentale et sophistiquée, à mille lieues des prestations de celles qui donnent bruyamment de la voix dans The Voice. Pourtant, ici, il est vraiment question de voix. Mais aussi de compositions, de personnalité, de charisme et de poésie. On pensera naturellement à l’indétrônable Kate Bush, à notre Camille nationale ou encore à l’Helvète Phanee de Pool. Touche à tout de génie, tant sur disque qu’en concert, Aurore se sert de sa voix comme d’un instrument et de ses instruments comme voie royale vers la beauté. Le résultat est sidérant : poils au garde à vous pendant la durée de cette œuvre unique.
Un petit label, un petit public mais une œuvre immense. D’ailleurs, Ange (le plus vieux groupe français encore en activité) ne s’y est pas trompé en offrant la première partie de sa tournée actuelle (particulièrement perturbée par les événements que l’on sait) à Mira Cétii. Le Père Décamps a toujours le nez creux. Il sait dénicher les meilleurs musiciens depuis longtemps. Que l’on pense au batteur Hervé Rouyer, au guitariste Jean-Pascal Boffo (déjà cité), à la vocaliste Caroline Crozat ou à tous les membres actuels du « nouvel » Ange : que des cadors que l’on adore !
Onze pépites. On commence avec l’électronique « Paramessie » qui assure une entrée en matière prestigieuse. Le côté Eighties du titre ravira les amateurs. « La Source », dernier simple en date, est un bijou d’épure. Cristallin mais jamais sibyllin. « Terre Adélie » pourrait figurer sur le dernier Steven Wilson. D’ailleurs, l’icône prog britannique, qui sait toujours s’entourer de voix féminines angéliques (l’Israélienne Ninet Tayeb ou la Suisse Sophie Hunger sur son dernier bébé To The Bone), pourrait passer un coup de fil à la Française. « Couleur Prairie » fait penser à Katerine : les esprits fous se rencontrent dans les mêmes cours de jeu, c’est toujours le cas pour les créatifs évoluant dans des mondes à part. A partir de rien, les embryons de création se muent en œuvres-mondes étonnantes. « La Lumière Nuit » et « Seule La Nuit » avouent leur hommage au regretté Bashung. Avec délicatesse, les méandres de L’Imprudence (2002) sont réempruntés par Mira Cétii.
Christian Décamps vient prêter voix douce au morceau « Elle Sera Nue ». La balade en terres éthérées prend fin avec le léger « Cailloux & Météores », conclusion de toute beauté, à siroter en écoutant un bon thé s’évaporer. Cailloux & Météores, un disque en or qui ne deviendra malheureusement jamais disque d’or. Mais c’est le propre des pépites de se cacher du regard du (grand) public. Il y a de la qualité dans la musique française d’aujourd’hui. Qu’on passe le mot à Jean-Louis Murat et à Dominique A qui seront heureux d’apprendre que la relève entre par les interstices.