Mika Vainio – Kilo
Mika Vainio
Blastfirstpetite
Métronome, sans coup férir, Mika Vainio, première moitié du défunt Pan Sonic, continue son bonhomme de chemin à l’abri des modes hipster à grosses lunettes, bobo ou je ne sais quoi encore. Patiemment, le Finlandais se construit un univers sonore passionnant, complexe, difficile bien souvent pour les néophytes (glitch, noise, drone, electronica minimaliste se mélangent). C’est qu’on ne le prend pas par derrière le chauve, c’est plutôt lui qui nous attend au tournant car, après tout, il n’a plus rien à prouver si ce n’est de se dérider un peu. Peut-être qu’il a peur de paumer un maxillaire si il rigole. Rigueur nordique… « Kilo », bien sûr que je n’attendais pas, arrive comme ça, son packaging on ne peut plus sobre, sa faute d’orthographe sur le nom de l’artiste (bien joué), une pièce perdue dans un océan de nouveautés indifférentes alors que le commun des mortels imagine que Mika Vainio est une armoire Ikea… Ce qui lui va d’ailleurs comme un gant.
Finalement, ce n’est pas tant la qualité du travail qui importe. Ecouter les fresques abstraites de Vainio et de ses machines, revient à passer un contrat avec lui, une clause d’écoute comme quoi nous acceptons, de plein gré, à pénétrer dans cet univers cloisonné, quasi claustrophobique – pensez à prendre votre respiration sur certains passages – à la spatialisation aussi précise qu’une piqûre de frelon. « Kilo », un titre qui prend tout son sens d’ailleurs. Il sent le poids, la matière, des formes éthérées qui s’imbriquent, l’orage qui s’annonce sans vraiment éclater. Ses pulsations sont autant de coups de marteau sur une enclume donnée par un dieu chtonien aimanté.
La tension est maintenue, l’air en devient solide de menace, les pièces se suivent, régulières, intransigeantes, fatigantes, harassantes de rigueur. Mika Vainio dépeint des paysages vides. Ni traces, ni sentiments ou souvenirs ne viendront toucher, même timidement, les constructions du Finlandais. Et c’est dans l’opacité de ce vide fantomatique que l’album se gorge d’une semence indéfinissable jusqu’au débordement final, drone ascendant, aux reflets noisy, hypnotiques jusqu’à la nausée.
« Kilo » ne s’apprivoise pas, il se subit, et par là, se vit. Ce n’est pas une agression ni une soumission, mais un constat, un acte, celui d’un orfèvre de l’ombre. Maintenant, vous pouvez respirer…
Jérémy Urbain (8,5/10)