Mercury Rev – The Light In You
Mercury Rev
Bella Union
En ces temps troublés, écouter du Mercury Rev relève de la recherche d’une certaine forme d’évasion et de liberté. Liberté de s’enfuir dans un univers paisible, en phase avec la nature et le cosmos, dans un imaginaire illuminé, sur un fil qui relierait des planètes imaginaires entre elles et que seule votre pensée pourrait dessiner, loin de l’agitation hallucinée, hallucinante, et mortelle qui nous secoue en ce moment. J’écris ces lignes le lundi 16 novembre, et le groupe devait passer ce soir en concert, bien sûr annulé à raison, comme bien d’autres, rattrapé par la dure réalité imposée par de jeunes fascistes sans cervelles. J’arrête là l’indignation, mais j’ai une pensée particulière pour ceux qui étaient au Bataclan vendredi soir, et qui ne l’ont jamais quitté…
Mercury Rev a débuté il y a de ça 25 ans dans le registre psyché en compagnie des Flaming Lips, groupe cousin. Mais autant les Flaming Lips sont prolifiques, autant les Mercury Rev sont avares de sorties. Seulement 8 albums dans ce laps de temps, c’est peu ! Porté par la voix fragile, magique et cosmique de Jonathan Donahue, le combo a évolué vers la pop à tendance symphonique et aérienne, grâce notamment au titre « Holes » extrait de Deserter’s Song en 1998. Les albums All Is Dream et surtout The Secret Migration ont confirmé le changement de ton pour des univers plus sophistiqués, propices à la rêverie, lumineux, et qui a fait fuir grand nombre de ses fans par la même occasion. Après un mitigé Snowflake Midnight, il aura fallu 7 ans au groupe réduit à l’état de duo pour revenir donner un successeur à The Secret Migration. Ce retour était attendu. Très attendu. Trop certainement. Et on se retrouve avec The Light In You, à mi chemin de tout ce que le groupe a fait par le passé.
Certains verront dans l’oeuvre des Mercury Rev de la grosse guimauve sous des néons disneyiens, d’autres y trouveront une tentative utopique d’atteindre une forme de beauté musicale (excepté la faute de goût appelée « Sunflower » sur cet album, je l’admets bien volontiers). On adhère ou on rejette, ça peut être aussi suivant l’humeur du moment. Il est indéniable que par occasion, le feu d’artifice musical peut être un peu de trop (n’est-ce pas « Rainy Day Record » ???, mais que se passe-t-il ??? c’est quoi ce rap ??? ), et que le groupe pourrait « alléger » ses compositions, mais il n’empêche, la direction empruntée est belle.
Parlons des réussites : « Central Park East », aérien, maîtrisé, nous enveloppe dans une bulle, nous promène pendant 6 minutes et nous rappelle l’époque All Is Dream. Le splendide « Autumn’s In The Air », orchestral et tranquille, disperse une magie réparatrice, tout comme « Moth Light » qui pourrait sortir de Deserter’s Song. « The Queen Of Swans », lui, semble tiré tout droit de The Secret Migration, et évolue dans une rêverie aérienne de toute beauté, tout comme « Amelie », habité par un Donahue prestidigitateur de sentiments. « Are You Ready ? » retrouve une couleur pop un poil psyché plutôt plaisante. Et puis pas grand-chose de plus. C’est bien dommage, tant on espérait plus.
The Light In You est plutôt agréable à l’écoute, ses recherches musicales sont toujours intéressantes, mais parfois et bien malheureusement, un peu ratées, ou mal maîtrisées. Un retour en demi-teinte donc, mais qui aère l’esprit et l’envoie chercher un ailleurs meilleur. Et ça, en ce moment et plus que jamais, c’est nécessaire.
Fred Natuzzi
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