Melvins – Everybody Loves Sausages
Melvins
Ipepac Recordings
Melvins fait du Melvins, et Melvins fera toujours du Melvins. Ils ont la classe américaine et sont tout simplement prêts à tout. Et quand ils ne sortent pas un album par an, sans compter des titres délivrés gratuitement à la surface de la Terre pour moi, toi, nous, pauvres agneaux égarés, le bouc nous pond un album de reprises qui refoule complètement le Melvins ! Ouais mon pote, Melvins, même quand il reprend des titres qui ont façonné son style, sa dégaine et son abonnement chez le coiffeur Franck Provost avec échantillons gratuits et laque miracle, il ne fait rien d’autre que du Melvins, ce putain de Melvins. Alors, là-dedans, ça se marre forcément nigaud. Oh oui, nous plussions les sourires se dessiner sur les visages, les barres de rires se péter sur les abdos tout mous. Ne dis pas le contraire, c’était écrit, programmé, et ça le fout grave. Un bon gros cocktail qui pétouille, qui gicle, tâche, dynamite, démonte la trachée, et éructe les relents de souffre des premiers pêts de senteurs printanières. Vous sentez là ? Sur une belle nappe de pique-nique, les fourmis qui grignotent sans autorisation le pain de seigle, le pastis de Marseille et la vinasse dans les gobelets Super U, sans oublier les merguez du barbecue des beaux jours.
Ah, c’est clair, « Everybody Loves Sausages » est certifié « non-hallal ». Tout se mélange dans cette tambouille, et ça fait du bien comme le soleil qui darde enfin sa saloperie de gueule. Au menu donc, on se fait du Venom des eighties avec du Queen qui fait plaisir, David Bowie qui s’invite dans une bouillie difforme, The Kinks, The Fugs… Allez zou, envoie moi ça Roger, ça relève la sauce ! Décidément, les Melvins, c’est toujours de la cuisine de bricolo. On essaye, on empâte, on fait frire ce qu’il ne faut pas, on cuit ce qui est cru, on laisse les œufs végéter, on crame l’ananas, et cela sans se foutre du produit premier. La classe, je dis ! On invite des noms de prestige, Scott Kelly (Neurosis) en ouverture, parce qu’une voix crado, ça le fait toujours en mis en bouche, Jello Biaffra sur du Roxy Music parce que c’est du Biaffra… Et puis, on se rend compte que ça repasse l’évolution de Tahiti Bob et de ses gais compagnons tranquilles, les passages bien lourds comme un rhinocéros trip « LSD inside », les saveurs punk mongoles qui débouchent les écoutilles de Mamie et ses expérimentations foireuses et désuètes.
Et en dessert, on nous fait un truc bien âpre, le genre à foutre par terre le pique-nique auquel on s’est fait chier à ramener toute la famille. Les raisins trop secs dans le gâteau et paf, voilà que je te fais la recette oubliée, le Throbbing Gristle de la fin des seventies, les bonnes vieilles boîtes à rythmes, les distorsions de basses faites à l’arrache pour les papis de l’indus. Et j’ai toujours l’impression collante de mettre mis un disque des Melvins. Oui, c’est du Melvins, du Melvins qui reprend ce qui fait que Melvins est Melvins, en gros, le Tarantino du rock.
Mais si Melvins reprend un truc à la Melvins pour faire du Melvins, est-ce que Melvins sait qu’il reprend ce qui fait Melvins ou bien est-ce que Melvins fait du Melvins sans en faire ? Et toi ? Qui es-tu ? Es-tu Melvins ou fais-tu semblant de l’être ? Et j’espère qu’au moins tu kiffes cet album !
Jérémy Urbain (8,5/10)