Marillion – Somewhere else
Somewhere Else
Marillion
Intact
Marillion
Intact
La parution d’un nouvel album de Marillion est pour moi toujours un évènement de taille. J’ai découvert ce groupe anglais en 1989, lors de la parution de leur magnifique « Season’s end », l’album qui marquait la rupture avec le géant écossais Fish, et qui voyait l’arrivée d’un tout nouveau chanteur prodigieux en la personne de Steve Hogarth. Depuis, année après année, je n’ai raté aucun de leur nouveau disque, et j’ai dû assister à la quasi-intégralité de leurs nombreux et généreux concerts parisiens. Pourquoi une telle dévotion me direz-vous ? Marillion est incontestablement mon groupe de rock préféré, car il synthétise tout ce que j’aime dans le genre : compositions ambitieuses et très émotionnelles, arrangements sophistiqués, mélodies imparables, atmosphères prenantes, et un chant à fleur de peau, tout simplement exceptionnel. Avec Marillion, la puissance ne se traduit pas qu’en termes de décibels, et en cela le groupe doit beaucoup à la personnalité et au talent de Steve Hogarth, qui aura entre autres contribué à éloigner le groupe des sentiers battus et des clichés du rock progressif. Même si aujourd’hui encore cette étiquette continue à coller à la peau d’un groupe qui n’a pourtant jamais cessé de se remettre en question et d’évoluer. Le « rock progressif » en tant que genre musical reste en effet figé dans les années 70, tout comme les nombreux artistes qui s’en revendiquent et qui continuent à le faire perdurer aujourd’hui comme ils le peuvent. A l’aube des années 80, la New-wave explose dans les clubs et sur les ondes radio mais les premières compos du jeune Marillion s’en démarquent pour reprendre le flambeau laissé tombé la décennie précédente par le Genesis conceptuel et symphonique de Peter Gabriel. Marillion réactualise en quelque-sorte, et avec un certains brio, la musique d’un âge révolu, faisant naître ainsi un genre nouveau que certains qualifieront de « néo-progressif » (dont les fers de lance seront aussi IQ, Pendragon, Pallas et quelques autres). Certains critiques de l’époque crieront au plagiat, d’autres au génie. Quoi qu’il en soit, le groupe atteindra très vite les sommets de sa popularité, et il rencontrera dès lors ses plus grands succès en termes de vente de disques et d’affluence dans les salles dans les salles. Avec l’éviction de Fish et l’intégration de Steve Hogarth, le groupe va prendre davantage de risques créatifs, sa musique va se moderniser dans le son et la production, même si pour cela quelques « dérives » commerciales ou artistiques seront occasionnellement nécessaires (en témoignent « Holidays in Eden » et plus tard , le bien terne « Radiation »). En effet, à l’aube des années 90, ce Marillion nouvelle formule se cherche à nouveau, et il va vite se trouver en se forgeant une personnalité sans faille. Si Marillion possède indéniablement sa propre identité et un son immédiatement reconnaissable, il réussit cependant à chaque fois le tour de force de ne jamais sortir deux albums qui se ressemblent. Mais pour la presse rock, le groupe anglais ne restera toujours qu’un groupe de rock prog, entendez par là « has-been » ou « ringard », alors qu’il est aussi évolutif et ancré dans l’air du temps qu’un Muse ou qu’un Radiohead, quant à eux encensés quoi qu’ils fassent par les mêmes chroniqueurs bien pensants !Aujourd’hui, Marillion est toujours debout et en grande forme, et il nous livre avec « Somewhere else », superbement produit par le complice Michael Hunter, son 14ème album studio. Si le groupe en manque de reconnaissance médiatique existe encore après toutes ces années de labeur, c’est bel et bien grâce à un réseau de fans passionnés, bien organisés, très actifs à travers le monde, et qui génèrent une intense activité sur le web. Le groupe a lui aussi su tirer partie des avantages promotionnels offerts par la toile, en mettant en oeuvre par exemple des systèmes de souscription très efficaces pour la réalisation de ses albums, et en toute indépendance, ce qui lui permet par ailleurs de conserver une réelle intégrité artistique (je citerai ici l’excellent « Anoraknophobia » et le chef d’oeuvre « Marbles » version double CD). Trois ans séparent « Somewhere else » du monolithique « Marbles », auquel il était difficile de succéder tant la barre qualitative avait été placée haute par le groupe anglais. Ont-ils donc réussi le challenge avec leur nouveau bébé ? Je tiens tout de suite à rassurer les fans qui n’auraient pas encore jeté une oreille attentive sur cette galette toute chaude, « Somewhere else » est un très bon cru de Marillion, ni plus ni moins. Si l’album se veut plus concis, plus direct (plus sombre aussi) que son illustre et incontournable prédécesseur, il n’en recèle pas moins son lot de perles et moments de bravoure dont seul Marillion a le secret. Quelques titres feront en effet date dans la carrière du groupe, comme ce sublime « Somewhere Else », son piano feutré, sa complainte déchirante haut perchée, ses guitares aériennes signées Steve Rothery et son final grandiose en apesanteur. Toute la quintessence de Marillion réunie en un seul morceau, proche de l’imagerie et de l’esprit de « Afraid of Sunlight » ! Mention spéciale également au puissant « The wound », titre qui démarre très rock avec des riffs de guitares plombés, et qui s’envole complètement dans une seconde partie électro et planante à souhait (un peu à la manière de celle du groovy « Quartz »), soutenue par une rythmique que ne renierait pas le Massive Attack des grands jours. Que dire aussi du lyrique et étincelant « The last century for man », qui devrait trouver une place de choix dans les concerts de Marillion en guise de fin de set. Pour le reste, si l’ensemble est, comme presque toujours, inégal, il n’y a rien à jeter non plus, pas même le basique, répétitif et entêtant « Most toys », un titre rock’n roll qui risque de faire hurler bon nombre d’amateurs au scandale, mais que pour ma part j’aime assez. L’album a aussi le mérite de démarrer et de se conclure de bien belle manière, avec tout d’abord « The Other Half » (qui n’est pas sans rappeler le classique « Gazpacho », final grandiose et mélodique en référence), puis avec l’exquis « Faith », petit délice acoustique tout en finesse et en sensibilité. Un peu à la manière du « Made again » de « Brave », cette jolie ballade permet à l’auditeur de s’évader du climat tragique au final, avec ces quelques petites notes d’optimisme bienvenu. Entre temps, vous pourrez vous délecter des plats de résistances présentés un peu plus haut, mais aussi apprécier les saveurs mélodiques de « Thank You Whoever You Are », l’ambiance désespérée de « A voice from the past », le climat doux et étrange de « No such thing » et, bien sûr, l’entêtant single « See it like a baby », qui mériterait toute sa place dans les charts aux côtés des U2 et autres Coldplay. Bien plus qu’un simple album de transition comme beaucoup le caractérisent, « Somewhere else » est un disque réussi et sincère, le meilleur moyen pour patienter en attendant la parution du prochain opus, d’ores et déjà prévu pour le printemps 2008 !
Philippe Vallin (8,5/10)
Autre site sur Marillion avec setlists et photos de la dernière tournée:
http://www.marillion-anoraks.com
Ben voyons, tu découvres MARILLION quand je cesse de le suivre. J’en suis resté aux premiers albums et à l’ère Fish… Je croyais que tu étais un nostalgique comme moi, mais non !!! Ce que tu écris me donne envie d’essayer à nouveau de redécouvrir ce groupe… Je vais descendre à la discothèque voir si ils ont suivi leur production…
N’empêche des morceaux comme Fugazi, Jigsaw, Punch & Judy, Lavender, Kayleigh ou Assassing ça ne s’oublie pas !