Marillion, l’ère Hogarth : un ouvrage référentiel pour les fans !

Marillion l'ère Hogarth Camion Blanc

« Marillion, l’ère Hogarth » (Camion Blanc 2014)

Signé Anne-Aurore Inquimbert, « Marillion, l’ère Hogarth » est un ouvrage important, pour ne pas dire historique. Il est en effet le tout premier dans le monde de l’édition à être consacré au fameux groupe de rock progressif Britannique depuis l’intégration du chanteur et parolier Steve Hogarth, après le départ de Fish en 1988. Passionnée depuis sa prime adolescence par la pop-rock anglo-saxonne en général et Marillion en particulier, l’auteure les découvre durant cette période de rupture qui, pour beaucoup de critiques et de fans de la première heure, allait prématurément sonner le glas du gang d’Aylesbury. La suite de l’aventure nous prouvera tout le contraire, avec l’arrivée en ses rangs d’un jeune vocaliste issue du courant new-wave, par ailleurs musicien accompli (à la différence du charismatique géant écossais), véhiculant à travers sa voix d’exception et un style d’écriture bien à lui une émotion à fleur de peau et une inspiration sans cesse renouvelée. Rien à redire, Steve Hogarth était l’homme providence pour le groupe à bien des égards. Et 13 albums studio plus tard (la période Fish n’en compte que 4 !), Marillion est toujours là, en grande forme créative, avec une musique qui a toujours su s’adapter tant bien que mal à l’air du temps sans jamais trahir son essence profonde et sa personnalité à nulle autre pareil.

Il était donc légitime qu’un nouvel essai fouillé soit consacré au groupe, et c’est chose faite aujourd’hui avec « Marillion, l’ère Hogarth », sorte de prolongement (si l’on veut) du livre publié en 1994 par Jacqueline Chekroun, intitulé « L’ère du Poisson ». Comme dans ce dernier, Anne-Aurore Inquimbert s’intéresse bien davantage au contenu littéraire et thématique de l’oeuvre de Marillion qu’à son histoire à proprement parler, à travers une analyse fouillée et toujours passionnante d’une sélection pleinement assumée de titres phares extraits de chacun des albums. En effet, n’espérez pas découvrir ici les « coulisses » de Marillion, avec révélations choc et anecdotes croustillantes à l’appui. Cet essai n’a pas vocation d’en être la biographie exhaustive (cet autre chantier reste ouvert, avis aux bonnes volontés compétentes !), même si l’on va forcément s’intéresser un minimum au parcours remarquable et à l’évolution de notre collectif de cinq musiciens, toujours les mêmes depuis 1988 : Steve Rothery (guitares), Mark Kelly (claviers), Pete Trewavas (basse), Ian Mosley (batterie) et Steve Hogarth (chant, piano). Ce groupe qui a su se démarquer du diktat des maisons de disques vouées au simple business, trouver le chemin de l’autonomie financière (et donc artistique), en instaurant une relation privilégiée avec ses fans (merci Internet !), sur la base d’un système économique redoutablement efficace et à échelle humaine. Rien que pour ça, respect Marillion !

Hogarth Rothery

Pour en revenir à notre ouvrage, seul son premier chapitre relate précisément les faits qui ont conduit la bande de Steve Rothery à recruter une personnalité aussi atypique que h (le surnom de qui vous savez), en revenant quelque-peu sur son passé au sein des groupes The Europeans et How We Live, dont certaines compositions seront reprises pour le compte de Marillion (« Dry Land », pour ne citer que celle là). Ensuite, c’est chaque album qui se retrouve méthodiquement décortiqué par ordre chronologique, de « Seasons End » (1989) à « Sounds That Can’t Be Made » (2012), avec un certain regard porté sur le langage musical, mais surtout une analyse fine des textes, avec à l’appui la traduction de morceaux choisis en français. Ce travail de fourmi permet au lecteur de découvrir à quel point l’écriture est aussi une qualité indéniable chez Steve Hogarth, en plus de ses aptitudes vocales hors normes et ses prestations scéniques magnétiques, aussi généreuses que littéralement possédées. L’homme, un éclatant romantique écorché vif, possède un vrai sens poétique et littéraire pour mettre en forme ses visions, ses espoirs (« Happiness Is The Road » !), ses désillusions et ses colères (dieu et la religion, le futur anxiogène), son humanisme (« Gaza »), ses tourments (la douleur de la séparation amoureuse, les vieux démons…) et ses obsessions (la quête de succès et ses ravages).

Steve Hogarth

Toute cette dimension existentielle et philosophique inhérente au vécu et à l’écriture sensible d’Hogarth est ici plus que jamais révélée à travers cet éclairant focus signé Anne-Aurore Inquimbert. Pour étayer son propos et ses analyses, l’auteure s’appuie sur des références sourcées, à partir d’ouvrages référentiels dédiés au rock progressif, d’articles et interviews glanés sur la toile, voire même d’essais issus du champ des sciences humaines (on croise au fil des pages les idées du philosophe athée André Comte-Sponville, ou encore quelques points de vue de l’essayiste Jacques Attali sur la question musicale !). Seul petit reproche que l’on pourrait formuler à l’encontre du travail d’Anne-Aurore, c’est de ne pas avoir pris la peine de rencontrer le groupe (ni même dialoguer à distance), ou à défaut d’un de ses membres, afin de confronter sa vision et ses interrogations à leurs propres expériences et ressentis. Un écueil vite pardonné, puisque l’auteure envisage la mise en chantier d’un second volume en compagnie des principaux intéressés. Une histoire à suivre donc…

En attendant, je ne saurais que vous conseiller la lecture de « Marillion : l’ère Hogarth », un livre forcément subjectif mais remarquablement bien écrit, intelligent dans sa démarche et habilement documenté. Pour les fans du groupe, vu le caractère unique et inespéré de cette publication, il s’agit même là d’une acquisition obligatoire !

Philippe Vallin

A propos de l’auteure :

Anne-Aurore Inquimbert

Docteur en Histoire de l’université Paris IV-Sorbonne, rédactrice en chef adjointe de la revue « Historique des armées », écrivaine et biographe, Anne-Aurore Inquimbert est actuellement responsable de la division des recherches documentaires dans le principal centre d’archives du ministère de la Défense.

« Marillion, l’ère Hogarth » d’Anne-Aurore Inquimbert, un ouvrage publié aux Editions Camion blanc. 222 pages. 30 €

http://www.camionblanc.com/

http://www.marillion.com/

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2 commentaires

  • Maisiat

    Tel Glouton de l’autobus à l’impériale, j’ai dévoré ce joli travail consacré au club des 5. Saluons la démarche et le travail réalisé (bien qu’un brin trop scolaire) par cette universitaire française qui parvient à nous plonger dans l’âme tourmenté du beau Steve. L’exercice trouvera ses limites dans la redondance quant à la forme et le fond. D’autre part, il manque une substance essentiel pour que l’œuvre prenne réellement corps, c’est la vie et l’avis du groupe lui-même, ici hélas bien absent.
    A lire de toute urgence, en dépit de mes petites réserves.

    • Philippe Vallin

      J’espère que le projet de « suite » (avec l’implication du groupe donc) se concrétisera. A suivre..

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