Marillion – Brave The Movie
Marillion
EMI
Publié à l’origine, en 1995, au format VHS, en dépit de multiples entraves puritaines imposées par la censure post thatcherienne, ce prolongement visuel de l’album « Brave » bénéficiait, en 2005, d’une réédition DVD fort bienvenue. Concept ambitieux, au lyrisme déchirant et déchiré, l’opus phare du gang d’Aylesbury se prête à merveille à l’exercice périlleux que constitue le mariage de la musique et de l’image. « Brave The Movie » s’impose, à ce titre, comme une œuvre cinématographique parfaitement maîtrisée et remarquablement construite.Tout le talent du réalisateur Richard Stanley est d’avoir su capter les multiples nuances émotionnelles du disque afin de les retranscrire dans un kaléidoscope envoûtant de séquences fiévreuses. Le bougre nous propose ainsi une fiction métaphorique et hantée qui retrace, dans un tourbillon échevelé de cœur à cœur et de corps à corps, le chemin de croix intérieur parcouru par la « fille de la M4 » (la bouleversante Josie Ayers campant, jusqu’aux limites extrêmes de la folie, un rôle d’écorchée vive). C’est en effet avec une sulfureuse science poétique que Stanley filme l’interminable descente aux enfers de cette « runaway girl », écartelée entre ses traumas passés, sa quête identitaire et sa fascination épidermique pour la mort.
Sous-tendues par la quasi totalité des compositions du groupe (seules manquent à l’appel « Paper Lies », « Made Again » et l’introduction du dantesque « Goodbye To All That »), les quelques soixante minutes de « Brave The Movie », durant lesquelles les membres de Marillon n’effectuent que de très épisodiques apparitions, se vivent donc entièrement au rythme de la lente dérive schizophrénique de notre jeune héroïne déracinée. Tenter de décrypter, voire de narrer par le détail, ce diamant noir serait toutefois complètement vain : comme pour toute création à haute signification symbolique, il appartient à chacun d’écrire sa propre histoire et de remplir les blancs en fonction de son vécu. Contentons-nous donc simplement de saluer cette œuvre poignante et résolument originale, complétée par un passionnant documentaire de trente minutes.
Sous-titré en français (ce qui n’était pas le cas sur la version VHS), ce dernier retrace la genèse de l’album et du film en juxtaposant judicieusement courtes interviews et fugaces moments d’intimité dérobés au combo. Absolument indispensable.
Bertrand Pourcheron (9,5/10)