Marillion – Afraid Of Sunlight

Afraid Of Sunlight
Marillion
1995
EMI

Marillion – Afraid Of Sunlight

Moins d’une année et demie après la publication de l’exceptionnel « Brave« , Marillion revenait sur le devant de la scène musicale, fin juin 1995, avec un huitième opus studio baptisé « Afraid Of Sunlight ». Sans posséder totalement la somptueuse démesure symphonique de son illustre prédécesseur, ce nouveau cru n’en confirmait pas moins le très net regain de forme et d’inspiration de cette formation phare troublée, le temps de regrettables « vacances au paradis », par les sirènes du marché américain. Cette nouvelle œuvre au noir, illustrant l’immense sensibilité littéraire de Steve Hogarth, a eu pour point de départ le suicide de Kurt Cobain. Cela peut paraître de prime abord surprenant mais ce personnage rodait dans le subconscient du groupe depuis les dernières heures du « Brave Tour » : le club des cinq avait achevé sa tournée à Munich dans la même salle où Nirvana avait donné son tout premier concert, cela juste avant de prendre l’avion pour Rome et de se retrouver dans l’hôtel où Kurt avait effectué sa première tentative de suicide. Le fantôme du mentor de la déferlante grunge a donc hanté, au même titre que les icônes de nombreuses stars prématurément disparues (Elvis Presley, John Lennon ou encore Jake La Motta dont l’existence a  directement inspiré le morceau « Gazpacho »), cet album résonnant comme un hommage sincère à ces destinées éphémères irradiées par le feu des projecteurs médiatiques.

Cette ode émouvante offerte à la mémoire de ces Icare des temps modernes restait, d’un strict point de vue musical, fidèle à cette fameuse « identité Marillion » célébrant, de manière dense et vibrante, la fusion bouleversante de la rage et des larmes. Si les grandes envolées homériques y étaient moins nombreuses que sur son prédécesseur (à l’exception d’une poignée d’épanchements fiévreux sur « Out Of This World », « Afraid Of Sunlight » et « King »), la formation n’en distillait toujours pas moins une alchimie atmosphérique ténébreuse parfaitement restituée par la production « cinématographique » du grand Dave Meegan. L’excellent morceau d’ouverture « Gazpacho » se chargeait au demeurant à merveille de nous prouver que la bande de Steve Rothery n’avait rien perdu de l’authenticité créatrice ni de l’enthousiasme jubilatoire qui avaient fait la force de « Brave ». Désormais parvenue au faîte de sa puissance technique et émotionnelle, la formation déroulait, durant plus de cinquante minutes, un tapis mélodique poignant de tristesse (l’exceptionnel « Beyond You »).

Confirmant au grand jour le renforcement de l’axe Kelly-Hogarth déjà esquissé sur l’épopée bravienne, « Afraid Of Sunlight » faisait la part belle aux claviers, ici omniprésents et remarquables de sensibilité et d’intelligence : grandes nappes planantes sur « Out Of This World », soli d’orgue bourrés de feeling (« King ») et séquences de piano acoustique impressionnantes de délicatesse (le morceau titre « Afraid Of Sunlight »). Sur cette trame symphonique omniprésente, s’élevait le chant emprunt d’une indicible mélancolie du beau h qui faisait décoller la musique du groupe de manière ma foi assez vertigineuse (le final de « King » ou la bouleversante partie centrale de « Out Of This World »). Tout en évoluant dans un registre peut être plus en retrait que par le passé, Steve Rothery survolait l’ensemble de l’album de son inimitable génie guitaristique s’exprimant dans des riffs grondants et audacieux (« Cannibal Surfbabe »), des « soli qui tuent » dont lui seul possède le secret (« Out Of This World ») ou des délires inclassables et rageurs (le monumental « King »).

L’essentiel était, comme à l’accoutumée, soutenu par une rythmique soudée et volubile catapultée par un Ian Mosley en véritable état de grâce (écoutez donc le final apocalyptique de « King » pour vous en convaincre !). Malgré certains titres un peu en retrait (le très quelconque « Afraid Of Sunrise » ou le déroutant « Cannibal Surfbabe », tentant maladroitement de concilier la chèvre heavy avec le chou pop), « Afraid Of Sunlight » constituait à l’évidence une carte maîtresse. Cette œuvre tourmentée, riche en contrastes et en frissons, cristallisait en effet parfaitement l’identité Marillion dans toute sa richesse et sa diversité et constituait, de ce fait, une étape désormais reine dans l’abondante discographie du combo. Un petit bijou !!!

Bertrand Pourcheron (9/10)

http://www.marillion.com/

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