Live report Ida Nielsen & The Funkbots à La Cave d’Argenteuil le 10 mars 2023
2023
Lucas Biela
Live report Ida Nielsen & The Funkbots à La Cave d’Argenteuil le 10 mars 2023
Ida Nielsen s’est faite une place au soleil en rejoignant le groupe de Prince en 2010. Mais c’est par le hasard des recommandations youtube que je l’ai découverte. Impressionné par un concert retransmis via la chaîne allemande WDR (cf la vidéo plus bas), je me suis empressé de vérifier si elle projetait de se produire plus près de chez moi. Et bingo ! Je vois qu’une date est prévue à Argenteuil dans les prochains jours. Vu la notoriété que la belle a acquise, et compte tenu de la petite taille de la salle, je me dis que je n’ai plus aucune chance de trouver une place. Et effectivement, sur le site, la billetterie est close. Mais en appelant, je suis informé que de nouveaux billets vont être mis en ligne. Une chance de cocu qui me permet donc d’obtenir le fameux sésame.
Une fois sur place, je reste en hauteur pour profiter au mieux de la scène. À la fatigue des 11h de route du groupe succédera alors une suite de morceaux funk survitaminés. La patronne se révèle être à l’aise aussi bien avec les cordes de sa basse qu’avec celles de son larynx. Bien entendu, elle impulse le rythme par le biais de son instrument, mais le tableau ne saurait être complet sans l’apport des « grooves infectieux » du batteur David Haynes, et des solos incendiaires à la Hendrix de l’as de la six-cordes. Dans le pot-pourri qui clôturera la session avant les rappels, son jeu se rapprochera néanmoins des grands maîtres du funk tels que Nile Rodgers ou Phelps « Catfish » Collins, le frère de Bootsy.
Par ailleurs, durant la soirée, on découvre que l’humour et la bassiste/chanteuse s’entendent comme larrons en foire. En effet, sitôt le morceau d’ouverture fini, la Danoise anticipe qu’elle sera hors de propos (« off point ») [11 h de route, ça use…], mais que le funk sera à propos ( « on point ») [fort heureusement, on est venu pour ça !]. Certes, on ne manquera pas de la voir assurer son rôle de maître de cérémonie (qu’elle cèdera cependant par moments à son compère rappeur / freestyler Kuku Agami) quand il s’agit de reprendre les 2 ou 3 mots du refrain (« quand vous entendez 2 ou 3 mots qui se répètent, c’est le refrain ») ou de frapper dans ses mains (« vous applaudissez [à la fin des morceaux] donc vous avez des mains »). Mais on ne pourra pas s’empêcher de noter une certaine forme d’auto-dérision dans son humour. On la verra ainsi s’étonner que le public ne l’applaudisse pas quand elle revient sur scène en s’exclamant « retour à moi ». Ce second degré reviendra à grand galop quand elle annonce qu’elle est une « grande auteure de textes » en se concentrant cependant sur 2-3 mots pour les refrains. Ailleurs, elle se demande même si son public, une fois de retour à la maison, « ne regretterait pas qu’il n’y ait pas eu assez de basse malgré un bon concert ». Ces moments de partage avec le public, empreints à la fois d’humour et de communion, pimentent le spectacle.
En parlant de piment, l’objectif d’Ida et de ses compères est certes de « faire vivre le funk » (on y reviendra plus loin), mais notre combo arrive aussi à transformer la salle en boîte de nuit géante quand le disco s’invite à la table. Et là, à nouveau, claps et reprises en chœur du refrain sont de mises. Votre serviteur se prête également au jeu – mais là, je vous vois venir : « mais, bon sang, comment arrive-t-il à prendre des notes et à profiter du spectacle ? » Ahah ! Mystère et boule de gomme ! C’est également à quelques sorties de piste que l’on assistera tout au long de la soirée. Ainsi le batteur, David Haynes va troquer sa batterie contre une tablette « finger drumming » (ce sont ses doigts cette fois-ci qui donnent le rythme). Il endosse sa casquette de « Captain Haynes » pour une session r’n’b qui sera inaugurée par « How Funky Can I Get On A Spaceship » (vous voyez mieux pourquoi il est affublé du titre de Captain). Plus tard, Kuku aura son quart d’heure de gloire quand Ida lui laisse carte blanche avec l’as du « finger drumming ». S’engagera alors un hip hop haut en verbe que le public saluera. Un autre moment fort de la soirée viendra avec le solo du batteur : tout y passe, même la frappe des peaux avec les mains. On est pris dans le tourbillon des rythmes, d’autant plus qu’ils nous font voyager au travers des différentes possibilités qu’offre l’instrument. La sœur d’arme de la batterie suivra et laissera également la salle pantoise, d’autant plus que les notes égrenées seront dans un registre plutôt mélancolique. Une mélancolie que l’on retrouvera dans un morceau « complètement unfunky », où la chanteuse partagera avec son guitariste une sensibilité à fleur de peau. Sur le « Scream » répété dans le refrain de ce moment suspendu, on voudra néanmoins davantage verser des larmes que pousser des cris. Ailleurs, Ida improvise seule avec son public un « Keep The Funk Alive », parvenant, simplement en faisant bouger ses doigts et son larynx, à imprimer le mouvement des corps de la salle. Soirée certes sous le signe du funk, mais la diversité du répertoire sera à nouveau à l’honneur avec une pièce reggae/ragamuffin qui conclura le spectacle à propos puisqu’il s’agit d’une ode à l’amour et à la paix dans un monde qui en a terriblement besoin en ces temps troubles.
Une salle à taille humaine, des musiciens hors pair et passionnés, un public qui participe, de l’humour, du rythme, autant d’éléments qui ont rendu cette soirée inoubliable et que vous pourrez savourer à l’occasion d’un nouveau passage de la reine de la basse funk.