Leprous – Coal
Leprous
Inside Out
Fondée en 2001, la formation norvégienne Leprous nous livre déjà, avec le phénoménal « Coal » (disponible, pour les plus rapides d’entre vous, sous la forme d’un médiabook luxueux, avec deux titres bonus à l’appui), son sixième enregistrement depuis sa création. La discographie du groupe est en effet déjà riche de « Silent Waters », un EP trois titres publié en 2004, puis « Aeolia » deux ans plus tard, suivi de « Toll Poppy Syndrome », CD édité en 2009 chez Sensory Records, et, enfin, « Bilateral » en 2011, l’oeuvre avec laquelle Leprous rejoignait la prestigieuse écurie Inside Out. Deux années à peine après cet album plus que prometteur, le combo entre, avec « Coal », dans une ère nouvelle de maturité et de plénitude. Maturité d’un groupe offrant un avant-garde prog-metal qui, dans le respect le plus total de son public, a su se démarquer de ses modèles adolescents, comme Opeth et Pain Of Salvation par exemple, pour jouer sa musique sans se soucier le moins du monde des modes et tendances. Plénitude d’expression de musiciens parvenus au sommet de leur potentiel technique et créatif.
Ce millésime 2013 marque à l’évidence un tournant important, sinon décisif, dans la carrière d’une formation n’ayant guère d’équivalent dans la scène metal actuelle. Au-delà d’un professionnalisme imposant jusque dans ses moindres détails (depuis la production parfaite jusqu’à la réalisation du livret, à la couverture malheureusement fort moche), le style s’est affirmé et les compositions se sont affinées. D’un format très varié (des 4’30 de « Salt » aux 9’41 de « Echo »), celles-ci alternent avec brio rythmes et atmosphères tantôt sinistres, tantôt plus légères et lumineuses. Dans le premier cas, on citera par exemple le surpuissant titre éponyme, évoquant fugacement les œuvres les plus « raide barrées » de l’immense Devin Townsend, dont on retrouve ici toute l’excentricité et les fameux « murs du son » réalisés au moyen de la seule voix. Dans le second, l’accrocheur « Chronic », aux parties de clavier classique de toute beauté et à l’introduction digne du meilleur Anathema, ravira les fans d’un rock aussi contemplatif qu’enjoué. Dans les moments les plus calmes et apaisés, Einar Solberg possède d’ailleurs un timbre vocal étrangement proche de celui d’un Vinvent Cananagh, ce qui ne gâche rien !
C’est de ce contraste que naît la réussite de cette œuvre majeure, dominée une nouvelle fois par le talent gigantesque du chanteur/claviériste Einar Solberg qui alterne avec brio, à la manière de Mikael Akerfeldt d’Opeth, hurlements et chant clair souvent haut perché. Les refrains des huit compositions gravées sur cette rondelle deviennent du reste très rapidement entêtants, alors que les musiciens multiplient les prouesses instrumentales. Visiblement, les norvégiens de Leprous, sorte de King Crimson des temps moderne (un peu à la manière d’un Tool, autre curiosité rock incontournable), disposent d’une totale liberté d’écriture, afin d’évoluer comme bon leur semble et de multiplier les atmosphères, qualité majeure qui rend leur opus si chaleureux et vivant.
Pas de place pour l’ennui ici : la perte rapide de repères musicaux nous emporte au-delà du vertige et le côté expérimental des morceaux nous éloigne de tout dogme préétabli. Prenons pour preuve le contraste entre le court et incantatoire « Salt » (sur lequel le prodigieux Solberg atteint des sommets de finesse et d’émotion, avec des envolées dans les aigus dignes de Joe Payne de The Enid) ou le magnifique epic « Echo », à la rythmique ondulante et aux vocaux de toute beauté. Une tuerie à ranger à côté de « The Cloack », chanson aux mélodies renversantes de beauté (bon sang mais quelle voix !), dotée qui plus est d’un final émotionnel puissant dans tous les sens du terme, sur fond de Mellotron au climat délicieusement scandinave.
Impossible aussi de ne pas vibrer corps et âme sur « The Valley », titre fleuve qui démarre façon « old school » avec synthés analogiques (on pense un peu aux bande originales des films de Nicolas Winding Refn) pour s’envoler ensuite vers les hautes sphères d’un post-rock extatique, un peu comme si Jonsi et ses copains les islandais de Sigur Ros se mettaient à faire du metal ! Le CD atteint son acmé sur son dernier titre, le long et imposant « Contaminate Me » qui constitue, pour nous, un « résumé » de ce disque à lui tout seul : introduction complexe et violente à souhait qui va progressivement nous entrainer dans un énorme tourbillon psychédélico-expérimentalo-torturé qui flirte parfois avec le sludge extrême, forçant le respect et l’admiration (ah, ces parties de cordes tziganes !). Bref, en un mot comme en cent, on tient là un véritable chef d’œuvre abouti et décomplexé, à mettre au crédit d’un groupe en plein essor créatif, à suivre de très près. Indispensable !
Bertrand Pourcheron & Philippe Vallin (9,5/10)
Bonjour, sympathique article! Toutefois une petite coquille, leur premier album se nomme Aéolia, non pas Aedia.
Cordialement.
Salut,
Ici Bertrand. Désolé de la coquille qui est de ma seule et entière responsabilité. Philippe la corrigera quand il en aura le temps.
Sinon, super album, n’est-ce pas ?
Cordialement,
Bertrand
Effectivement un excellent album!
Très déroutant pour moi qui m’attendais totalement à autre chose, après avoir écouté de fond en comble les trois premiers. La finalement je trouve qu’on est plus proche d’un rock prog avec même
parfois des tendances Muse-ifiantes par rapport aux précédents albums plus aggressifs (Surtout Bilatéral).
Mais c’est pas pour me déplaire la qualité est au rendez-vous et je trouve qu’Einar maîtrise encore mieux sa voix qu’avant, niveau téchnique. C’est pas peu dire! 🙂
Je ne suis pas un exegète du groupe donc merci pour tes commentaires qui élargissent ma culture. A C&O, on adore ce nouvel album !
@ plus,
Bertrand