Lebowski – Galactica
Cinematic Media
2019
Thierry Folcher
Lebowski – Galactica
Ici à Clair & Obscur, on a toujours eu un faible pour les musiques dites « progressives », et il faut bien reconnaître qu’après de longues années de disette, nous vivons aujourd’hui une période d’opulence jamais égalée. Mais ce constat excitant cache un effet pervers des plus redoutable. Le fameux adage : « Abondance de biens ne nuit pas » n’a pas toujours sa place dans la création artistique. On trouve (trop?) souvent tout et n’importe quoi à la disposition de nos oreilles fatiguées. Une longue introduction pour vous dire que le gros consommateur de musique que je suis passe son temps à « trier ». Heureusement que la technologie permet aujourd’hui d’accéder à toutes sortes de plateformes bien fournies pour ne rien louper et surtout pour ne pas compromettre nos finances. C’est ainsi que dans l’écoute répétée de mes propres playlists revenait régulièrement et avec de plus en plus d’insistance un album au titre accrocheur de Galactica, enregistré par un groupe au nom improbable de Lebowski. Une identité qui n’a rien à voir avec le génial The Big Lebowski des frères Coen car il s’agit ici d’un tout récent quatuor polonais débarqué en 2010 avec un premier album, Cinematic, déjà très remarqué. Un titre évidemment pas anodin puisqu’il rendait hommage au cinéma en général et aux productions polonaises en particulier. De ce fait, la caractéristique initiale du groupe fut de donner à son rock progressif une coloration cinématographique ultra mélodieuse et forcément aguicheuse. Une musique essentiellement instrumentale et fort bien interprétée. Je ne connais pas l’histoire du groupe et de ses membres, mais les quatre amis ont certainement un lourd passé musical derrière eux car il se dégage une aisance et une maturité exceptionnelles à l’écoute de leurs deux albums.
Galactica nous est proposé en ce début d’année 2019 avec un visuel des plus accrocheur, capable de donner une identité reconnaissable au groupe. Ce visage ingénu, en opposition avec l’univers froid et métallique du décor, risque de les poursuivre longtemps. Lebowski est une formation classique composée de Marcin Grzegorczyk à la guitare, Marcin Luczaj aux synthés, Marek Zak à la basse et Krzysztof Pakula à la batterie. Plus les renforts de Katarzyna Dziubak pour quelques vocalises et de Markus Stockhausen pour la trompette. Tous les titres sont composés par les deux Marcin et la production revient au guitariste Marcin Grzegorczyk. Galactica commence avec « Solitude Of Savant » dont l’intro symphonique lorgne du côté de Gershwin. Une brève et riche intro qui va laisser la place aux musiciens de rock pour un affrontement de plus de huit minutes débouchant sur une belle collection de moments inspirés. C’est du rock progressif symphonique classique avec une ligne mélodique entêtante et de régulières incursions vers le jazz rock. Un bon début, dynamique et prometteur pour la suite. Une suite qui vaut vraiment le coup. A commencer par « Midnight Syndrome » et son tempo métronomique. La mélodie au clavier est d’une richesse incroyable. Elle nous rappelle que l’école polonaise possède, avec notamment Mirek Gil et Mariusz Duda, un vivier de mélodistes hors du commun. Katarzyna fait une intervention remarquable et remarquée et installe d’emblée « Midnight Syndrome » comme un des titres phares de l’album.
La construction des morceaux va peut-être avoir un côté répétitif et on imagine assez bien comment fonctionne l’écriture chez Lebowski. Le duo clavier/guitare à l’origine des neuf titres de Galactica se partage en alternance la présence sur le devant de la partition, avec parfois des schémas identiques. Cela dit, la richesse mélodique et harmonique est telle qu’on se laisse volontiers emporter sans retenue ni arrières pensées. Les titres sont toujours porteurs de petites trouvailles qui en font des repères évidents, comme par exemple la trompette sur « Goodbye My Joy ». Ce titre est une véritable volte-face new-age qui va placer la suite de l’album dans une catégorie plus ambiant et proche d’un travail léché à la Buddha-Bar. Ce sont des moments relaxants avec notamment les notes orientales et le piano jazzy de « The Doosan Way ». On ne baigne pas dans la mélasse pour autant, il faut entendre les riffs appuyés de « White Elephant » pour s’en convaincre. Et puis il y a l’ébouriffant solo de guitare de « Galactica » pour nous prouver que Lebowski est bien un groupe de rock. Joli moment de calme et de volupté acoustique avec le superbe « Mirage Avenue » qui introduit une clarinette et un passage trop court de Katarzyna. Le disque s’achève avec l’énergique « The Last King » qui met en lumière une partie rythmique inventive.
Lebowski possède un incontestable potentiel qui ne demande qu’à se transformer en véritable joyau musical. Il est certain que son nom commence à circuler pas mal et que la pression va sensiblement augmenter auprès des fans. Mais ne soyons pas trop impatients et profitons de ce Galactica car il en vaut vraiment la peine. En résumé, je trouve ce disque moins cinématographique que son aîné, plus jazzy et ambiant, et surtout très agréable à écouter. Une belle trouvaille venue de Pologne…Une de plus.
https://lebowski2.bandcamp.com/album/galactica-wav-24bit