Lazuli – En Avant Doute
Lazuli
Musea
C’est une belle histoire que celle de ce groupe français qui en avait étonné plus d’un avec son premier album « Amnésie ». Pour ceux qui avaient manqué les précédents épisodes, c’est un genre d’electro-techno-rock sans claviers mais avec un instrument étrange, sorte de mix de guitare et de synthé, la léode. Elle fut littéralement rêvée puis créée par Claude Leonetti, qui cherchait un moyen de continuer à assouvir sa passion de la musique malgré un grave accident de moto qui l’avait privé de l’usage de son bras gauche. Avec deux percussionnistes et trois guitaristes (plus la léode), Lazuli alignait alors une formation pour le moins inhabituelle et la musique est au diapason. Métallophone, vibraphone, marimba et autres percussions dialoguent avec les guitares d’une manière très étudiée : le chanteur et compositeur Dominique Leonetti a une voix haut perchée et son chant clair, intense et sobre sert magnifiquement les compositions.
Le curseur musical s’est ici légèrement déplacé vers le rock, l’électro et l’ethno passant, sauf exception, à l’arrière plan. Mais on doit ajouter que la présence des deux percussionnistes donne forcément une complexité rythmique qui sort de l’ordinaire… Les neuf compositions de l’album sont pour la plupart construites sur une tension musicale remarquable qui, après des montées en puissance soigneusement orchestrées, explosent en soli furieux (notamment de léode), à l’image des premiers morceaux du disque (« En Avant Doute », « Laisse Courir » et « Le Repas De L’Ogre »). Ceux-ci sont du reste suivis d’une reprise fabuleuse du final du « Capitaine Cœur De Miel » d’Ange. Mais Lazuli sait varier les plaisirs : sa « Valse A Cent Ans » est une sorte de point de croix sonore riche en contrepoints et en échos, plein de délicatesse, sur lequel la voix se déploie en apesanteur.
« L’Arbre » est un ethno-prog digne de l’immense Peter Gabriel et le lyrisme de « Cassiopée » ont une ampleur n’ayant guère d’équivalent dans le rock français de l’époque. Qui plus est, les paroles sont de grande qualité : un exemple qui démonte en quatre vers notre société malade : « On veut des enfants précoces qui prennent les devants, on fait des enfants féroces armés jusqu’aux dents » (« Laisse Courir »). Lazuli a des choses à dire et les dit avec un talent évident. Dominique Leonetti a un vrai sens de parolier et connait ses classiques. Ses textes se font parfois proches d’un Alain Souchon dans une légèreté suggestive : « On aurait voulu le temps léger, des plumes dans ce désert de mirages bleutés, de dunes » (« Cassiopée »).
Le combo a fait les choses avec générosité, puisqu’un DVD bonus était offert avec l’album (aujourd’hui uniquement disponible en téléchargement sur son site Web), bourré ras la gueule de morceaux live, sans oublier une vidéo assez gore et inquiétante (« Le Repas De L’Ogre ») et quarante minutes de documentaire « behind the scenes » qui nous permet d’accompagner Lazuli en festival (Mexicali, Montreux – où le groupe avait gagné le titre de meilleur espoir – Marseille, etc.) Bref, aucune excuse pour rater cet opus exceptionnel ! Fantastique !
Bertrand Pourcheron & Philippe Arnaud (10/10)