Last Scattering – Eidolon
Last Scattering
Ghost Vision Records
Groupe de death metal progressif canadien, Last Scattering a été fondé en 2012 par le guitariste Jeff Hyde. Après quelques remaniements, le collectif s’est stabilisé pour enregistrer le puissant « Eidolon » en 2014. Ce tout premier album est caractérisé par une capacité à jongler habilement entre subtilité et agressivité. Il s’agit d’un chaos contrôlé où des rythmiques tour à tour syncopées, écrasantes, blastées et galopantes partagent le tableau avec des guitares hypnotiques et sidérantes, pour un effet des plus cathartiques. Même si nous sommes majoritairement confrontés à des assauts pachydermiques rageurs, des moments de sérénité ponctuent parcimonieusement ces évocations de cauchemar apocalyptique. En effet, l’ouverture mystique aux effluves moyen-orientales et l’interlude féérique « Mystic Pizza » viennent quelque peu nous enchanter. Par ailleurs, l’interlude mélancolique « The Construct », mais également des guitares « stickées » à la Tony Levin de-ci de-là, des passages improvisés, un accordéon sur « Black Birdies », et la guitare acoustique sur « Matt Damon », permettent de tempérer les accès de colère de nos six garçons énervés.
L’obsession de l’improvisation est même mise en exergue sur la toute fin de la « ghost song », un surprenant doo wop a capella l’inaugurant. Et pour en venir aux voix justement, on peut dire qu’elles suivent le même schéma contrasté que la musique, et dans des proportions équivalentes, le lourd prédominant bien évidemment sur le léger. Ainsi, des vociférations autoritaires « syllabiques », accompagnées de cris effrayants, déversent en toute léthargie mais avec finesse leur fougue (oxymore de circonstance !) aux oreilles troublées de l’auditeur. Il faut s’imaginer la peste répandant la mort sur un village. Le pouvoir d’épouvante de ces vocaux atteint son paroxysme sur le morceau de fermeture.
Quelques voix claires solennelles apportent néanmoins de l’espoir dans ce dédale de terreur. Mais quel que soit le registre, les voix sont convaincantes et la passion les anime. Avec des écarts aussi importants dans les voix et les atmosphères suggérées, on aurait pu s’attendre à un album décousu. Il n’en est rien, l’ensemble coule même de source.
Dynamique, groovy, apocalyptique, écrasante, fulgurante, hypnotique, lourde, la musique démoniaque de Last Scattering est une invitation aux enfers d’Hadès. Mais, au bout de notre voyage, nous ressortons revigorés mais sans les malheurs d’Orphée après la perte d’Eurydice.
Lucas Biela (9/10)