Kiama – Sign Of IV
Tigermoth Records
2016
Kiama – Sign Of IV
On a souvent tendance à user voire abuser du terme de super-groupe pour les réunions de plus en plus régulières de musiciens de standing au sein de projets parfois surprenants, mais qui font bien souvent « pschitt ». Kiama n’échappe pas au phénomène, le côté Canada Dry en moins, étant donné le pedigree des artistes impliqués : Rob Reed à la basse et aux claviers (Magenta, Kompendium), Andy Edwards à la batterie (Robert Plant, Frost*, IQ), Luke Machin aux guitares (Maschine, The Tangent), et Dylan Thompson au chant (Shadow Of The Sun, The Reasoning). Néanmoins, Kiama ressemble plus à un « side-project » de musiciens voulant se faire plaisir à revisiter les grandes heures du rock progressif (de Yes à Mike Oldfield comme par hasard, en passant par les premiers King Crimson) et des monstres du rock (de Led Zeppelin à Queen, en passant par Rainbow), en y ajoutant des ingrédients AOR plus récents (ELO, le nom du groupe étant tiré du titre « Kuiama » de la bande à Jeff Lynne). Ceci dit, il n’y a rien qui interdise de développer de tels projets, surtout quand vous prenez le temps de les composer, que vous les enregistrez live au Real World’s Studio de Peter Gabriel, et que vous y mettez visiblement toute votre ardeur, une belle dose de savoir-faire, et une osmose qui transpire sur chaque morceau.
Et la surprise est belle ! Kiama n’invente rien, effectivement. Mais à l’époque de la saturation d’albums qui n’apportent rien de neuf, produire un album frais, que vous pouvez écouter avec un plaisir infini, n’est pas une mince affaire. Et ce Sign Of IV est une pure merveille du genre. Même si Kiama revisite tous les poncifs du rock progressif au fil de morceaux plutôt longs mais pas trop (de 4:36 à 8:32), il écrase littéralement la concurrence dans le domaine. En effet, là où d’autres s’engluent dans la démonstration et la comparaison, Kiama s’évertue à produire de beaux titres et à les saupoudrer de ce qu’il faut de technique et d’envolées sans jamais dépasser la dose qui permet d’en apprécier la cohésion. Il ne conviendrait pas de détailler les titres l’un après l’autre, tellement les comparaisons seraient limitatives. Sachez néanmoins que Dylan Thompson est un grand chanteur (mais ça on le savait déjà) qui profite de mélodies taillées pour lui (le magnifique « I Will Make It Up To You » par exemple, le fabuleux et très prog « Slime », le rentre-dedans « To The Edge »), que Luke Machin impressionne dans un registre plutôt AOR (ses attaques sur « Beautiful World », ses parties plaintives sur « Free » ou « Slip Away » – voir la vidéo), que la paire Reed/Edwards forme une rythmique d’airain (déjà entendue dans Magenta et Kompendium) et que Reed distille sa science du clavier un peu partout sur ce Sign Of IV.
Il est indispensable de se pencher sur la version 2 CDs, tellement la seconde galette apporte de petites pépites avec des morceaux inédits (« Come On Home », « Go » pour les guitares acoustiques de Luke Machin), des remixes et la démo du zeppelinien « Cold Black Heart ». Ajoutez un design épuré mais magnifique de la pochette et vous ne regretterez pas votre achat… Rob Reed transforme tout ce qu’il touche en joyau et se positionne comme un rival de taille pour Steven Wilson dans le registre du progressif contemporain, entendu dans un sens des plus larges. Kiama frappe un grand coup avec ce premier album, on attend déjà la suite avec délectation !
Henri Vaugrand