Kayak – Out Of This World
Inside Out Music
2021
Rudzik
Kayak – Out Of This World
Après un remarquable Seventeen qui lui a valu de figurer en seconde position de mon top 2018, le frêle esquif hollandais de Kayak est revenu sur nos rivages avec un Out Of This World écrit et exécuté dans le même esprit, à savoir, une alternance de morceaux progressifs épiques et de titres pop rock beaucoup plus directs. Le groupe suit son cap avec un line-up presque stabilisé (ça a rarement été le cas depuis sa création en… 1973) puisque seul Collin Leijenaar a été remplacé aux fûts par le revenant Hans Eijkenaar, déjà batteur de Kayak pendant la période 2011/2014.
La nouveauté réside dans un partage altruiste du chant entre l’excellent vocaliste Bart Schwertmann et son guitariste Marcel Singor qui assure le « lead » sur trois titres, mais également avec son bassiste Kristoffer Gildenlöw et son réputé claviériste Ton Scherpenzeel, le temps d’un morceau pour ces derniers.
Contrairement à Seventeen, Kayak s’échappe immédiatement de notre monde puisque c’est une plage éponyme très progressive qui ouvre le ban à coups d’arpèges de piano affriolants rapidement renforcés par une section rythmique très riche puis une guitare totalement en phase. C’est parti pour un titre blindé de contre-temps dont la partie symphonique instrumentale est de toute beauté. Pas de doute, d’entrée, Kayak sort le grand jeu. « Out Of This World » est l’un des quatre morceaux prog et épique d’un album (il y en avait trois sur Seventeen, mais d’une durée plus longue) qui ne compte pas moins de quinze titres. Dans ce registre, c’est sans conteste « Under A Scar » qui remporte la palme de l’émotion dans la lignée du formidable « Walk Through Fire », même si des parties très enlevées rythmiquement lui donnent plus de punch. Le chant de Bart sur fond de cordes et le superbe solo de Marcel (sans son orchestre) y contribuent largement. Certaines intonations à la Ian Anderson donnent un petit côté Jethro Tull à « Critical mass » bien que musicalement l’on soit bien ancré dans l’univers musical de Kayak, associant rythmiques syncopées et groove à des parties de claviers ondoyantes et de guitare versatiles. Le troisième pavé prog est « A Writer’s Tale » dont les premières mesures majestueuses et puissantes sont de bon augure pour prédire une réussite épique qui donne le frisson. C’est tout d’abord lent et symphonique et ça se métamorphose, sous l’impulsion de claviers dynamiques, en une impressionnante sarabande aux accents de rhythm’n blues à couper le souffle. Kayak montre dans ces exercices une maîtrise et une vitalité dont peu de groupes aussi « âgés » peuvent se targuer.
Et ce ne sont pas les autres titres au format plus ramassé, car typés AOR, qui feront retomber le soufflet. Certes, Kayak puise largement dans des influences et des mouvances 80’s mais sans montrer le moindre signe de mièvrerie ou de plagiat honteux. Ainsi les similitudes entre « As The Crow Flies » et « Another Day In Paradise » de Phil Collins ne provoquent aucune gêne et honorent sans vergogne le grand frère. Tour à tour on pensera aussi beaucoup à Toto le temps de « Traitor’s Gate » dont David Paich n’aurait pas renié la rythmique de claviers, à George Harrison sur le léger « Cary », les violons de « Distance To Your Heart » et les choeurs de « Mystery » renvoient à ELO. Pour autant, ces titres très entraînants ont leur propre identité et leur placement entre deux morceaux complètement progressifs rend la galette très digeste pour qui apprécie les deux facettes du groupe. Dans un ton un peu différent, l’instrumental « Kaja » est de toute beauté alors que « Ship Of The Theseus », l’ultime morceau de l’album, prend un peu de court avec son ton très sombre (contrairement à la majorité de l’opus tour à tour joyeux, groovy ou simplement enlevé), notamment dans sa partie finale de piano.
Cet album peut s’écouter de deux façons : soit en dilettante, car les parties les plus complexes demeurent accessibles au grand public et de nombreux morceaux sont groovy et directs, soit en posant une oreille attentive, car musicalement, tout est d’une grande richesse harmonique aussi bien pour les vocaux que pour les instruments. Out Of This World reprend bien les excellentes recettes de Seventeen avec cependant une pointe d’originalité en moins. Pour autant, le talent des quatre kayakistes s’exprime une nouvelle fois très brillamment que cela soit en termes de créativité ou d’exécution.
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