Justin Hurwitz – First Man

First Man
Justin Hurwitz
Back Lot music
2018
Thierry Folcher

Justin Hurwitz – First Man

Justin Hurwitz First Man

Lorsqu’on est passionné de musique, on peut difficilement passer à côté des bandes originales de film. Certaines sont devenues des classiques et leurs auteurs de véritables célébrités. Au Panthéon des artistes du genre, et sans esprit cocardier, j’ai une affinité toute particulière pour Georges Delerue et son fils spirituel Alexandre Desplat. Mais je dois reconnaître que les Hans Zimmer, John Williams et autre Clint Mansell savent sublimer les images et rendre un long métrage absolument inoubliable (Interstellar, The Fountain par exemple). En fait, dans ce domaine, la musique et l’image se renforcent mutuellement. Que serait Sergio Leone sans Ennio Morricone ou … Damien Chazelle sans Justin Hurwitz ? Car il s’agit bien de ce jeune compositeur d’à peine 34 ans qui nous intéresse ici. Il a bien sûr été mis en lumière grâce au film La La Land et à sa musique improbable mais terriblement attachante. La La Land c’est l’alchimie réussie entre un metteur en scène novateur, de jeunes acteurs impliqués et un compositeur à l’unisson. Alors pourquoi ne pas reprendre les mêmes ingrédients puisque ça a si bien marché. Eh bien ils l’ont fait ! Pourtant le sujet de First Man : Le Premier Homme Sur La Lune est à des années-lumière de celui de La La Land. On est ici sur la reconstitution d’un fait historique, dramatique et universel qui ne pouvait pas être traité comme une comédie musicale légère et romantique. Seulement voila, cette fois encore, le talent du trio Chazelle, Gosling, Hurwitz a largement répondu à nos attentes.

First Man est une expérience sensorielle unique qu’il faut voir au cinéma ou avec un bel équipement vidéo. On est souvent mis dans les mêmes conditions que Neil Armstrong lors des essais qui ont précédé la mission Apollo 11, et c’est une véritable claque que nous assène la mise en scène. Une bande-son terrible, faite de bruits et de vibrations intenses. Là-dessus, la magnifique B.O. va en faire un objet cinématographique hors du commun et permettre de sortir de l’aspect documentaire assez froid en ajoutant une profondeur dramatique et humaine. Une recette à priori casse-gueule vu le sujet, mais qui va fonctionner à merveille. Grâce à la musique de Justin Hurwitz, ce fait historique va se transformer en un grandiose opéra cosmique. Bon, intéressons-nous de plus près à cette B.O, elle en vaut vraiment la peine. Comme souvent, la construction sur support audio est constituée de petites séquences qui peuvent parfois tourner autour de la minute. Dans le cas de First Man, c’est 37 morceaux qui vont défiler de façon chronologique et nous replonger instantanément  dans l’ambiance du film. L’absence d’images va permettre à notre esprit de se concentrer uniquement sur la musique et notamment sur les deux thèmes principaux qui seront déclinés différemment selon l’intensité dramatique de la séquence. Le premier, joué le plus souvent à la harpe, sera soit très doux (« Armstrong Cabin »), soit plus alerte (« The Armstrongs ») ou carrément très enlevé et symphonique (« Houston »). Un joli thème, d’une structure assez répétitive, mais avec quelques variations qui vont en faire un objet mélodique très accrocheur.

Justin Hurwitz First Man Band 1

Le deuxième, pour sa part, utilise le thérémine, un instrument électronique inventé en 1920 par un ingénieur russe et dont la particularité est de ressembler à la voix humaine. Il servira souvent au cinéma pour illustrer des sujets tournés vers l’espace et ses explorations. C’est un instrument infiniment poignant qui renforce ici la douleur de perdre un enfant (« Karen »). La mélodie est splendide et que ce soit à la harpe (« Squawk Box ») ou au thérémine (« Crater »), elle favorise l’aspect dramatique et émouvant de l’histoire. Les deux thèmes, le plus souvent joués séparément vont s’unir sur certaines séquences pour intensifier encore plus les grands moments du film. Par exemple, l’alunissage « The Landing » est d’une puissance inouïe, avec les cuivres du grand orchestre qui viennent claquer comme une fanfare triomphante. Un passage qui ressemble fort à un uppercut musical. A côté de ces deux lignes mélodiques très présentes et très humaines, l’autre partie de la B.O. est composée de sons et de bruits industriels rappelant souvent l’album Rubycon de Tangerine Dream. On retrouve ici les mêmes ronronnements de moteur et les mêmes martellements d’usine (« Spin »). Le grand orchestre fusionnera aussi avec cette ambiance mécanique pour apporter un côté martial à l’histoire (« Multi-Axis Trainer »). On peut difficilement passer sous silence l’immense valse  « Docking Waltz » qui est à mon sens un des sommets musical du film. Cela ressemble à un mix symphonique de La La Land et des contes d’Hoffmann, complètement hors contexte mais qui marche à la perfection. Autre trouvaille, le rap contestataire « Whitey On The Moon » scandé par Leon Bridges contre la NASA et le gouvernement américain peu préoccupés par le quotidien d’une certaine partie de la population. La partition s’achève avec le grand orchestre qui reprend de façon martiale le premier thème et termine ce grand moment musical sur le rythme d’un boléro grandiose (« End Credits »). En conclusion, certainement une des plus belles B.O. de l’année 2018.

Justin Hurwitz First Man Band 2

Les boucles et les mélodies de First Man, comme celles d’Interstellar ou de Koyaanisqatsi portent en elles un puissant pouvoir d’adhésion aux images et ce côté répétitif en font un mantra musical qui aura du mal à quitter votre esprit. Justin Hurwitz a su produire un savant mélange entre classicisme et innovation qui font de lui un des compositeurs les plus intéressants du moment. Les musiques de film, trop souvent associées aux images qui les portent, sont des œuvres à part entière que l’on peut écouter comme n’importe quelle autre composition. Ce sont de véritables trésors mélodiques à placer en bonne position dans n’importe quelle discothèque.

http://fr.universalpictures.com/micro/first-man

 

Un commentaire

  • Renaud

    Dans son esprit et sa construction, le morceau « The Landing » n’est pas sans rappeler « Promontory » de Trevor Jones (Le Dernier Des Mohicans). Mais en encore mieux…

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