Jean-Pascal Boffo – Le Jardin Des Rêves

Le Jardin Des Rêves
Jean-Pascal Boffo
Auto-Production
2020
Thierry Folcher

Jean-Pascal Boffo – Le Jardin Des Rêves

Jean Pascal Boffo Le Jardin Des Rêves

Jean-Pascal Boffo, les amateurs de rock progressif le connaissent bien. Sa prestation aux côtés de Christian Décamps sur l’album Nu de 1994 et sur le live V’soul Vesoul V’soul de 1995 est restée gravée dans les mémoires. Une parenthèse angélique qui a réussi le tour de force de maintenir le navire à flot avant qu’un certain Hassan Hajdi ne monte à bord. Le style léger et subtil de Boffo s’est acclimaté sans peine à la poésie de Maître Décamps pour s’élever avec beaucoup de lyrisme sur certains titres comme le superbe « On Dirait Un Ange ». Depuis le milieu des années 70, sa carrière est indissociable du progressif à la française bien plus riche qu’il n’y paraît. Il fut d’ailleurs le premier artiste a signer chez Musea, la référence en la matière. Le Jardin Des Rêves est son treizième ouvrage en solitaire et fait suite au dépouillé Invizible paru deux ans plus tôt. Un album plein de délicatesse malgré l’âpreté d’un traitement acoustique sans artifice qui peut vite s’avérer casse-gueule. Qu’importe, le talent l’emporte et les amoureux de la six cordes se régalent (sur la belle écriture de « Clownerie n°2 » par exemple). Pour Le Jardin Des Rêves, Jean-Pascal Boffo est retourné au travail en équipe avec le retour des fidèles Hervé Rouyer à la batterie et Jo Cimatti au chant ainsi que la présence de la talentueuse chanteuse de jazz luxembourgeoise, Claire Parsons. Richesse du line-up, mais aussi richesse de l’enregistrement. Comme toujours, le son s’impose par sa clarté et son dynamisme qui sont aujourd’hui la marque de fabrique des albums de Jean-Pascal. C’est au studio AMPER de Clouange en Moselle que ses compositions prennent vie. La console est devenue son autre instrument de prédilection qu’il manipule avec autant de dextérité que sa guitare. La technique est infaillible et semble bien éprouvée. Ici, les phrases musicales s’empilent comme un décor soyeux capable d’accueillir des mélodies dont lui seul a le secret.

Le Jardin Des Rêves se présente dans un emballage lumineux qui donne envie d’aller voir ce qu’il y a dedans. Une sorte de mandala fleuri qui apaise le regard par ses couleurs mauve ou bleue, symboles de délicatesse et de pureté. A l’intérieur, 10 ou 12 morceaux selon la version pour un voyage tout en douceur qu’il sera difficile de quitter pour reprendre le cours normal de la vie. Le Jardin Des Rêves fait partie de ces albums oasis où l’on aime se réfugier loin des martellements médiatiques et des débats sociétaux qu’on nous impose. On peut l’écouter seul, de façon égoïste en profitant de chaque instant ou alors en fond sonore quand on s’entoure d’amis pour une soirée. Et là, je suis persuadé d’entendre: « eh, c’est pas mal ce que tu passes, c’est quoi ? ». Il y a des moments forts sur cet album, très forts. A commencer par le titre « Seven Clouds » d’une justesse incroyable. Jean-Pascal s’installe tranquillement au son étouffé de ces fameuses harmoniques qui reviennent souvent dans son répertoire. Une deuxième guitare cristalline corse le sujet, puis le violon de Stéphanie Grevedon entame une mélodie rêveuse vite doublée par l’e.bow de Jean-Pascal. Ce titre magnifique est celui qui m’a le plus touché mais il n’est pas non plus l’arbre qui cache la forêt. Selon vos propres goûts, ce sont peut-être les vocalises d’un autre âge de Claire Parsons sur « Les Vents Immobiles » qui vont vous faire succomber. Ici la guitare tantôt jazz, tantôt blues, tantôt folk offre une belle réplique et ressort habillée de mille couleurs sur cet oxymore bigarré. Et puis, pourquoi ne pas adorer le rythme chaloupé de « Le Rêve Du Papillon ». Cette promenade orientale à dos de chameau agrémentée par la flûte de Pierre Cocq-Amann est également un pur délice. Les percussions légères et saccadées de Niels Engel donnent le tempo sur ce titre plein de chaleur et de paresse.

ean Pascal Boffo Le Jardin Des Rêves Band 1

Dans la foulée, « Dreamland » va quelque peu secouer cette atmosphère alanguie et rendre à la guitare sa présence au premier plan. La mélodie est superbe et les vocalises de Jo Cimatti sont porteuses d’un souffle intense. Trois titres différents qui lancent l’album sur d’excellentes bases pour en faire une des plus belles réussites de Jean-Pascal Boffo de ces dernières années. On est séduit par le son, par les mélodies et par le savoir-faire d’un artisan qui n’a plus rien à envier à personne. Et c’est là, une fois de plus, que l’on peste après le manque de soutien et d’éclairage sur tout plein de talents laissés dans l’ombre au profit d’un n’importe quoi formaté et sans relief. « Fait ch… ce pays » comme le disait récemment un célèbre artiste nantais qui avance pour sa part grâce à des efforts titanesques et des louanges venues de l’étranger. Voilà, c’est venu comme ça, en plein milieu et j’espère que Jean-Pascal ne m’en voudra pas mais fallait que ça sorte. Retour dans son jardin extraordinaire pour vous dire que le plus beau reste à venir. Aux côtés de « Seven Clouds », mon podium va honorer « Manderley » et « The End », les deux titres chantés de l’album. Le premier est un poème d’une certaine Valérie Davot qui met en avant la jolie voix de Claire Parsons. Jean-Pascal débute avec ses habituelles harmoniques avant de nous servir une mélodie toute simple que Claire reprendra avec beaucoup de profondeur. Puis le sax et les chœurs délicats vont ajouter une musicalité supplémentaire à cette chanson qui fait mouche instantanément. Le second est une pure merveille de canon polyphonique que la voix androgyne de Jo Cimatti va transformer en valse symphonique de toute beauté. Tourbillon de notes, tourbillon de mots qui s’installent durablement dans nos têtes et ne demandent qu’à revenir nous visiter. C’est toute la magie de cet album qui laisse l’auditeur avec ce besoin de relancer Le Jardin Des Rêves encore et encore.

ean Pascal Boffo Le Jardin Des Rêves Band 2

En visitant les recoins secrets de ce bel ouvrage, vous découvrirez une guitare solitaire (« The Smiling Room », « Sleepy Time ») ou juste en compagnie d’un sax (« Tears ») pour des exercices folk qui nous renvoient au travail d’Invizible. Une jolie parenthèse celte (« Timeless ») et une écriture qui sait aussi s’émanciper avec des sons originaux (« La Porte Du Songe »). Au final, un album bien équilibré qui ne veut pas choisir son camp et que Jean-Pascal a voulu le plus varié possible. J’ai adoré cet album car il répond à ce réel besoin de compagnie musicale, où légèreté et immédiateté ne riment pas forcément avec facilité. Tout est écrit, pensé et superbement enregistré. Le Jardin Des Rêves doit être votre prochaine destination, vous ne le regretterez pas.

https://jeanpascalboffo.com/

 

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