Jamie Cullum – Momentum
Jamie Cullum
Island Records
Il y a du génie chez Jamie Cullum. Il n’y a qu’à écouter son dernier album « Momentum » pour s’en rendre compte. Non pas qu’il soit un chef d’œuvre, mais ses mélodies évidentes, les influences qui parsèment les morceaux, la façon dont ils sont construits, arrangés et produits, la voix claire et chaude de Cullum, et l’authenticité qui transpire de ce disque, tout cela fait que « Momentum » nous emporte dans un tourbillon sonore qui fait du bien aux oreilles et à l’âme. Et certains passages transportent vers des sommets de plaisir rarement atteints. Dans le monde de la musique pop, le pianiste Anglais a creusé sa place à coup de standards de jazz. Il a commencé dès 1999 à reprendre les plus grands, comme Porter, Gershwin ou Monk, et au fur et à mesure des albums, s’est construit une réputation d’arrangeur génial. Il reprend également des artistes contemporains comme Radiohead, Björk, Jimi Hendrix, et va emmener les chansons dans de territoires inédits. Progressivement, le chanteur expose son projet : amener le jazz vers la pop, montrer qu’un petit gars en basket peut faire du jazz grand public, tout en étant très pointu sur les techniques au piano, prouver aux jeunes de sa génération que cette musique est abordable, et que le beat du rap peut se retrouver dans les rythmes jazz.
Pari réussi, dès 2009, « The Pursuit » est son album le plus cohérent, le plus réussi et le succès est au rendez-vous. « Momentum », 6eme opus de Jamie Cullum, se trouve dans la droite lignée du précédent. Les 15 chansons qui forment cet opus sont les plus personnelles de son auteur, devenu papa, et conscient de sa place sur terre. C’est donc dans une optique de plaisir, de simplicité, d’amusement et de liberté que « Momentum » est né. Et ça se ressent tout du long. Paradoxalement, l’album débute par 3 morceaux sympathiques mais sans ce petit quelque chose qui fait décoller l’ensemble : « The Same Thing » et son rythme tribal, son solo d’orgue, ses chœurs, « Edge Of Something » malgré son groove trip hop et ses cordes qui aurait pu illustrer un James Bond, et « Everything You Didn’t Do », sautillant single, n’ont pas la saveur de ce qui va suivre.
Dès « When I Get Famous », l’album monte d’un cran et ne retombera jamais. Enregistré comme une chanson oubliée des années 60 façon Nouvelle-Orléans, le titre communique sa bonne humeur à la perfection. « Love For Sale » est une reprise de Cole Porter, avec un groove moderne, typique des capacités d’adaptations de Jamie Cullum, couplé au rap de Roots Manuva. Le résultat est un formidable jazz urbain, imbattable. « Pure Imagination », que Gene Wilder chantait dans le premier « Charile et la Chocolaterie » est un jazz mélancolique aux arrangements pop, soutenus par des cordes magiques. Pur joyau. Avec « Anyway », retour à une pop soul très efficace, « Sad Sad World » est une chanson d’amour à la mélodie vocale envoûtante, « Take Me Out (Of Myself) » est très direct et dynamique sur le passage à l’âge adulte, classique pop instantané.
Les 3 derniers morceaux sont juste grandioses. « Save Your Soul » : son riff de piano évident et son développement grandiose, cordes et piano, à la Alicia Keys, en fait un morceau phare. « Get A Hold Of Yourself » à base de guitare acoustique, rare chez Cullum, et quasiment murmuré, ressemble à une jolie berceuse au parfum moderne. Enfin l’hymnique « You’re Not The Only One », inspiré à Callum alors qu’il était juré dans une émission du genre Nouvelle Star, est un must, riff de piano divin (mais comment fait-il pour en sortir autant par album ?) mélodie imparable, arrangement fabuleux. Bref, une réussite absolue.
L’édition deluxe présente un deuxième CD avec 3 chansons inédites qui valent vraiment l’achat : « Momentum », originale, montre une nouvelle facette de Callum à la guitare, avec un refrain purement génial, « Unison », fascinante reprise de Bjork aux arrangements jazzy mélancolique enchanteurs, et « Comes Love », reprise de la grande Billie Holiday, aux accents Screamin Jay Hawkins, qui est emmenée vers une soul jazzy en diable. 6 autres morceaux live complètent ce second disque.
Rajoutez à cela un DVD de 40 minutes où Jamie Cullum parle de chaque morceau en détail et vous obtiendrez un des albums les plus sincères et plaisants du moment. Et même s’il s’éloigne de plus en plus du jazz, le résultat obtenu par le mélange des genres est hautement réjouissant. Il y a vraiment du génie chez Jamie Cullum.
Fred Natuzzi (9/10)
Merci pour cet article.
J’étais à son concert à Paris le 12 septembre… j’ai encore du mal à m’en remettre.
Je trouve que ton article décrit vraiment bien ce que j’ai pu ressentir à l’écoute de ce dernier album même si je ne suis pas tout à fait d’accord avec le début de l’album que je trouve déjà très
prometteur. En revanche, je reste vraiment sur ma faim avec « Love for Sale » qui est celle que j’aime le moins.
Ce qui m’étonne le plus, outre la puissance de chaque morceau, c’est la profondeur de sa voix ! Je pense que je n’avais jamais entendu une voix comme la sienne en live. Il peut absolument tout se
permettre.
Merci encore et à bientôt.
Bonjour Audrey, et merci pour ce retour très sympathique ! J’étais également au concert du 12/09, et comme toi,
j’ai été époustouflé par sa prestation et sa voix. Pour revenir à l’album, en effet, le début est prometteur, mais pour moi il manque un truc qui ferait décoller ces chansons. C’était toujours
vrai en live. J’aurais préféré qu’il chante d’autres morceaux comme « Save Your Soul » que j’adore. Son absence m’a un peu frustré ! Et pour Love for Sale, je pense qu’elle s’inscrit dans sa
démarche de concilier jazz et ryhtme urbain, comme le rap, chose qu’il a démontré le 12/09, comme d’ailleurs sa première partie ! Alors oui, ça peut rebuter… C’est bien qu’il prenne des risques
! Merci et à bientôt sur C&O Audrey !