Hurz – Hurz
Le Mat Records
2016
Mais qu’est-ce qui m’a pris de lever le doigt pour chroniquer de l’ambient, moi qui n’en suis vraiment pas un spécialiste ? C’est un style musical dans lequel il faut s’immerger mais qui, par essence, est difficile à décrire et à cerner. Alors, écrire pour exprimer ce que l’on ressent à son écoute relève de la gageure. Wikipedia en dit : « la musique ambient doit être capable d’accommoder tous les niveaux d’intérêt sans forcer l’auditeur à écouter ; elle doit être discrète et intéressante. »
Hem ! Ca m’aide vachement … quoique, en y réfléchissant bien, j’y trouve les raisons qui m’ont incité à chroniquer Hurz.
Eh oui, on ne se sent pas forcé d’écouter Hurz car, effectivement, leur musique est discrète dans le cadre d’un fond sonore. Mais imperceptiblement, elle referme son piège sur toi, telle l’araignée qui, tissant sa toile fil après fil, t’y attire inéluctablement.
J’y ai tout d’abord posé une oreille distraite mais les boucles musicales entêtantes et planantes que j’entendais ont paisiblement mais implacablement envahi mon cerveau. C’est comme quand tu rêves la nuit et que ton esprit t’emmène quelque part où tu ne veux pas aller. Tous tes efforts pour échapper à ce rêve sont vains y compris pour te réveiller. Alors tu te laisses emporter par cette puissance fatale sans savoir ni comment, ni où ça se terminera.
Les quelques lignes que les trois Romains m’ont envoyées en guise de bio sont très ésotériques et obscures : « Hurz est espace spirituel, espace magique, temple de bois sacré, lieu protégé, tout se passe à l’intérieur c’est la vraie vie et le drame, en même temps. » Pourtant leur épilogue décrit très bien leur musique : « Ce que tu vois, ce que vous écoutez, vit déjà en vous. »
Allez ! Je me secoue un peu l’esprit pour retrouver un peu de conscience et vous décrire un peu plus concrètement ce dont recèle ce CD.
« Il Nodo » le débute un peu de manière anodine puis enfle à un rythme lancinant et majestueux, truffé de sonorités électro en fond sonore. L’évolution de la rythmique donne dans le Krautrock à la Tangerine Dream avec ces boucles enrichies d’une sonorité nouvelle à chaque passage. Impossible d’échapper au caractère hypnotique très prononcé de ce morceau dont la richesse ne s’appréhende pas dès la première écoute.
Malgré ce que j’ai écrit plus haut, Hurz est plutôt varié car les atmosphères sont multiples et propres à chaque morceau. La musique de Hurz se fait caméléon lorsqu’elle donne dans le religieux mythique (« San Giorgio E Il Drago ») ou qu’elle explore les tréfonds sombres du nationalisme (« 1+1=3 ») en passant par les contrées bluesy et groovy (si, si, je vous assure !) de « L’Amoureux – L’Heure De La Chouette » avec un chant à la Depeche Mode. Cette galette est truffée de sonorités envoûtantes et ne se laisse pas facilement apprivoiser ; elle nécessite de nombreuses écoutes si on veut l’explorer jusqu’à la moelle. Les deux Nicola et Sergio ont flirté délibérément avec une certaine forme de lassitude tout au long de cet album mais sans jamais y sombrer du fait qu’il fourmille de sons et de bruits qui titillent en permanence les oreilles et magnifient les ambiances.
On ne ressort pas indemne de son écoute. On en devient accro et toutes les cures de désintoxication n’y feront rien : à peine terminé, on a envie de le réécouter en boucle, le casque vissé sur les oreilles, les yeux clos, dans les ténèbres …
Rudy Zotche