The Great Old Ones – Tekeli-Li

Tekeli-Li
The Great Old Ones
2014
Les Acteurs de l’Ombre

The Great Old Ones – Tekeli-Li

Je ne suis pas fou. Je ne suis pas fou. Complainte d’un homme dont les croyances théologiques et scientifiques sont mises à mal. Une narration telle les cailloux du Petit Poucet, de peur de s’égarer dans ce dédale indicible à perdre la raison pour tout être respectable. Attention lecteur, « The Great Old Ones » te propulse direct dans les écrits de Lovecraft. Ce n’est pas son coup d’essai, ni le premier combo à user de la thématique, mais celui-ci le fait avec classe et sérieux. On est bien loin des groupes qui se sont ramassés la gueule dans les entrailles de R’lyeh à force de se vouloir porteurs des écrits de l’américain H. P Lovecraft (« Dawn Of Relic » est celui qui me saute à l’esprit). Ben, c’est que cela ne se fait pas comme ça. Je ne suis pas fou. Je ne suis pas fou. Je l’avais compris et je te crois. Les Français, eux, ont pigé le truc, le déclic qui fait que tu penses à l’auteur américain dès la première seconde (jetez donc une oreille sur leur précédent album « Al-Azif »). Connue ou pas, l’ambiance se pose d’elle-même, glaçante, immersive, propice aux frasques imaginatives les plus obscures (sans rentrer dans le marasme tentacules-grouillantes-sur-formes-phalliques-confuses façon Ævangelist). Il faut bien le dire, le style narratif du groupe se prête à merveille à ce genre d’ambiance purement cinématographique.

The Great Old Ones, en gros, c’est : le cadreur, le directeur de la photographie et le responsable des effets spéciaux en prime. Guidé par cette voix narrative récitant les mots (en français) les plus lugubres et anxiogènes de la nouvelle « Les Montagnes Hallucinées », l’auditeur en deviendra le scribe retranscrivant les faits et gestes des imprudents s’aventurant dans ces labyrinthes millénaires. En cela, le groupe propose plusieurs actes, une progression d’événements, ainsi qu’un large espace subjectif qui n’appartiennent qu’à celui qui l’écoute. Trois guitares rythmiques comme autant de bourrasques de vents glacés empilés, et des parties shoegaze pour l’introspection et la déformation des silhouettes. Sous les effets vient l’architecture des lieux, la batterie martèle les colonnes, les menaces tapies dans l’ombre. Elles n’étaient pas mortes, seulement endormies. Et c’est cette voix qui réveille la mort avec son déplacement d’insecte larvaire.

Tekeli Band

Pour comprendre l’immersion, rien de mieux que de s’y laisser entraîner. Ce qui est dingue, c’est cet aspect proprement hypnotique à « Tekeli-Li », à tel point qu’on recherche la ligne de guitare, l’arpège, l’oppression atmosphérique, le détail mélodique, le punctum d’une photographie, tel l’archéologue pointilleux s’essayant à déchiffrer une rune ou un sigle inconnu. Malgré soi, on se trouve plongé, en tant que spectateur, dans les couloirs et autres campements dévastés jonchés de cadavres, on se laisse emporter par ces rafales post-rock qui décollent la neige des rochers, et on frissonne sur ces descentes de manches, ces rebonds de toms galvanisants, tandis que cette voix (cette voix !) nous guide vers un nouveau chapitre qu’on imagine aussi affreux que contemplatif.

Car oui, ce qui reste imprimé, c’est la vision de paysages désertiques, des panoramiques lents, précis, où plane une menace jamais physique, ainsi qu’un effroi psychologique. L’ambiance… Et c’est seulement les quelques tâches de couleurs abstraites qui informent de la possibilité d’une vie autre qu’animale ou humaine. Saluons à ce propos la pochette picturale qui résume à elle-seule l’éloquence, la cohérence et les saillies du disque. Combien de fois et de temps ais-je maintenu celle-ci devant mes yeux, m’imaginant vagabonder dans les perspectives de ces labyrinthes indescriptibles, fuyant ces créatures, leurs ombres révulsant la création, tout en étant mystérieusement attiré par ce qui m’était inconnu ? Tour de force, messieurs.

Pendant une heure, j’ai déconnecté de la « réalité » en visionnant le film que je ne verrai jamais. Rien que pour ça, « Tekeli-Li » mérite bien plus qu’une écoute distraite. Une sorte d’abandon, mine de rien, c’est à ça que l’on reconnaît un bon groupe de black. Brutal, véloce, atmosphérique, une oeuvre où chaque mélodie est comme la création d’un univers mental, tout cela à la fois. Avec « Paramnesia« , c’est un peu ce qui est arrivé de mieux à la scène française, et c’est signé sur le même label en plus !

Jérémy Urbain (9/10)

http://thegreatoldonesband.com/

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