Godspeed You Black Emperor ! – F♯ A♯ ∞
Godspeed You Black Emperor !
Constellation
C’était impossible. Je ne pouvais pas passer à côté de celui-ci. Immoral même de faire l’impasse sur un des disques qui m’a fait le plus vibrer durant ma courte existence. GYBE a su trouver l’étincelle qui fait qu’on adhère à la démarche de ce collectif (plus qu’un groupe) et qui, en son temps, a su tromper les médias. Je ne redirai jamais assez que les canadiens avaient su trouver la naissance comme la mise à mort de leur propre style. Germes, bourgeons, fleur, déliquescence, pourriture… Certains appelleront ça du post-rock, d’autres du rock alternatif, mais, finalement, on s’en bat les steaks de tout ça. C’est de l’émotion brute et c’est juste bluffant. Bluffant comme la colère est transcendée en une chape de bouleversements qui n’attire qu’à la circonspection, l’application de notes aussi simples que désarmantes. Un pathos qui prenait son envol, devenant léger, mais jamais gratuit et encore moins outrancier. Une émotion qui fait ressentir le vide comme matière. Le silence, c’est du son mais plus encore, cela produit du bruit.
Cette résonance-là, elle convoque les fantômes de Gorecki et d’un Ligeti terrien, elle appuie sur les pédales d’effets, joue sur l’élasticité du temps. On ne parle plus de titres ou de chansons mais de fresques, aquarelles brumeuses, comme si on avait mélangé Arnold Böcklin, William Turner avec une vision photographique post-apocalyptique punk. Traverser un espace sans vie. GYBE, c’est l’après, le vent qui souffle dans les fissures, les fenêtres qui grincent alors que le verre est à un souffle de chuter. Souvenirs d’un « avant » et d’un « pendant ». Voyage dans une terre aride mais familière. On connaît ces bâtiments, campagnes à ceci près qu’elles sont vidées de leur énergie. Seule compte l’absence, ce qui devrait être et n’est plus. La rage dans le calme, ambiguë, triste, mélodique, ténébreuse. Et c’est juste avec un seul putain de titre. Un seul ! Celui que Danny Boyle utilisera à bon escient dans son « 28 Days Later », confrontation, mariage du son et de l’image. « Heast Hastings ». Le reste en devient anecdotique, chiantissime même. L’épitomé d’un genre à part entière. Une pièce qui dit tout sans un mot, qui fait voir, ressentir sans images, bref, qui dit tout avec rien.
Alors oui, cela touche au désespoir, visages s’estompant, présence absente dans sa présence. Ça prend les boyaux, ça les tord, et vous savez quoi ? Ça me donne le courage d’avancer, de continuer. Tout simplement. Simple comme du Cormac Mac Carthy. Simple…
Jérémy Urbain (9/10)
http://brainwashed.com/godspeed/