Giorgio Alessani – The Mess We Leave Behind + Live Report

The Mess We Leave Behind
Giorgio Alessani
Alfa Music
2024
Lucas Biela

Giorgio Alessani – The Mess We Leave Behind + Live Report

Live report Giorgio Alessani cover

Giorgio Alessani est un chanteur, auteur-compositeur et multi-instrumentaliste d’origine italienne mais établi en France. Sur son deuxième album, The Mess We Leave Behind, c’est vers l’univers westcoast des années 1977-1982 et le jazz crooné des grands chanteurs type Tony Bennett, Frank Sinatra ou Bing Cosby que notre jeune homme s’est tourné. Cependant, sa voix est plus secrète que ces derniers, avec ce timbre légèrement rauque et si chaleureux qu’on retrouve chez Chris Rea ou Richard Marx. « Plus secrète » ne signifie pas plus en retrait : avec les chœurs subtils et délicats qui la bordent, c’est un baume au cœur dans un monde qui mine notre moral. Les chœurs y sont effectivement dignes des plus grands groupes de doo wop, à une époque où la voix était au cœur (encore lui !) de l’industrie musicale. Pour bien mener la barre de son yacht westcoast / jazz, Giorgio s’est entouré d’une équipe expérimentée. A la batterie, on ne le présente plus, André « Dédé » Ceccarelli, dont les frappes nous accompagnent depuis près de 60 ans (un peu moins pour les plus jeunes comme moi et Giorgio). Aux claviers et au saxophone, respectivement Cédric Hanriot et M-Carlos. Ce sont des artistes plus jeunes mais au jeu tout aussi expressif.

Live report Giorgio Alessani Band 1

Parmi tous les morceaux, quelques-uns nous plongent dans le monde des films noirs. Ils broient en effet du noir tout en laissant entrevoir une lueur d’espoir. Témoins de cette dernière ouverture, les notes chatoyantes des claviers dans le refrain d’« Imperfect » et les chœurs empreints de sérénité de « Time’s Be Kind Of You ». On notera par ailleurs l’optimisme des voix superposées de « We Can’t Go On Like This » et les solos enjoués du saxophone et des claviers quand la batterie se met à y mener la danse. Ailleurs, ce sont des morceaux au dynamisme plus affirmé. Ainsi, les claviers scintillants et le rythme entraînant du morceau-titre nous feraient presque dodeliner de la tête, là où le shuffle groovy et les cuivres rutilants nous plongeraient dans les plus grandes heures de la westcoast californienne, Steely Dan en tête. Dans le duo entre Giorgio Alessani et l’invitée Anne Sila, cette dernière apporte du peps au morceau par son chant enlevé et aigu, contrastant avec celui plus intimiste de son partenaire de chant. Un grand moment de complicité vocale, toujours sous l’œil bienveillant de ces chœurs affectueux. Sur « We Had Our Run », c’est le jeu soutenu de Dédé qui donne l’impulsion, les claviers brumeux apportant une touche de mystère, là où les notes souriantes de M-Carlos dissipent le brouillard. Ailleurs, sur « Talking To Shadows », le dialogue animé entre la batterie et le piano apporte de la fraîcheur à un morceau qui brille par la dualité entre la douleur des implorations vocales et la joie des chœurs. Sur un texte écrit par Anne, « L’heure De Notre Histoire » est, quant à lui, mis en mouvement par le jeu punchy de l’ancien de TROC et par ce bandonéon plein de malices de l’invité argentin Juanjo Mosalini. A l’écoute de The Mess We Leave Behind, c’est donc « The Amazement They Leave Behind ». Un bien bel album qui renoue avec les arrangements complexes, les harmonies brillantes et le mélange des genres (pop, soul, jazz) de la westcoast californienne.

Live report Giorgio Alessani Band 2

Et sur scène, me direz-vous, comment se défendent-ils nos quatre lascars ? Car oui, l’ami Xavier Chezleprêtre ne m’a pas seulement envoyé l’album pour revue. Il m’a également invité à la « release party » du nouvel opus. C’était le 29 février au studio de l’Ermitage à Paris. Arrivé, je suis tristement surpris d’être pratiquement le seul (j’arrive cinq minutes avant le début), mais agréablement surpris d’entendre Mulatu Astatke (quelle culture, ce Lucas !) en fond sonore. La salle ne se remplira guère par la suite (une trentaine de personnes), la casquette « publicité » de Giorgio n’ayant pas été beaucoup mise à contribution. L’album sera joué au complet, comme il se doit lors d’une release party. Quelques couacs émailleront le concert (les loops, les basses et les nappes – « c’est quoi les nappes » entend-on dans la salle ? – ne suivant pas le rythme). Mais ces incidents rendront le concert plus vivant, Giorgio profitant même d’une mise au point de M-Carlos (le pauvre, c’est lui qui a la lourde tâche de reproduire les chœurs et les basses avec son laptop, en plus de son rôle de saxophoniste) pour nous raconter une anecdote. On apprend alors que l’album est le fruit de pièces composées pendant la pandémie de covid, et qu’à l’origine le texte de « Fino A Che Vivrò » était en fait du yaourt (des mots en vrac sans que les phrases n’aient un sens). C’est qu’il manie l’humour avec autant d’adresse que son chant, le bougre ! Couacs et humour à part, le set est d’une grande qualité. Le chant presque sans effort de Giorgio nous subjugue. Dédé nous impressionne par son jeu fluide et sa capacité à jouer sans regarder son instrument (il garde les yeux rivés sur sa partition). Cédric joue de ses claviers avec force humilité et beaucoup de cœur. L’humilité sera néanmoins mise de côté quand viendra ce solo lisztien qui émerveille par sa virtuosité et sa fibre romantique. M-Carlos, après s’être dépatouillé de ses problèmes de laptop (« on joue sans ce truc » dira finalement Dédé), livrera également au cours de la soirée un beau solo qui ne manquera pas d’être acclamé. Giorgio réussira le pari de chanter avec brio le morceau italien sans sa partenaire. Le titre français sera néanmoins joué en compagnie de Juanjo, présent dans la salle. On pourra donc non seulement savourer ses notes malicieuses mais également s’amuser de la contorsion de ce petit instrument, se tortillant à la manière d’une chenille.

Live report Giorgio Alessani Band 3

Avec Xavier, on part sur Steely Dan dans les discussions, et moi je lui parle de TROC (le groupe de Dédé et d’Alex Ligertwood – grand chanteur cet Alex), de Richard Marx dans le grain de voix de Giorgio, et de The Mike Della Bella Project (projet westcoast dont vous pourrez lire ma chronique prochainement). Je passe un bon moment avec nos quatre cavaliers du jazz et de la westcoast. Le public semble apprécier, il l’aidera même à retrouver les paroles de « The Mess We Leave Behind » (c’était apparemment le Mess (bazar en français) dans la tête de Giorgio à ce moment, sic).
Si vous ne connaissez donc pas encore Giorgio Alessani, n’hésitez pas à jeter une oreille à ses productions, et, comme il l’a proposé au public, de liker sa page Facebook.

https://www.facebook.com/giorgioalessani

 

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