Gazpacho – Demon

Demon
Gazpacho
2014
KScope

Gazpacho Demon

« Demon » est le huitième opus enfanté par ce groupe de dandys norvégiens depuis la sortie, en 2003, du fondateur « Bravo », au titre pleinement approprié à leur carrière jusqu’ici sans faute. Voici en effet un combo qui n’a cessé de progresser au fil des années et des disques, délivrant une musique d’une grande modernité, souvent mélancolique, atmosphérique même, mais jamais dénuée de lyrisme, de fougue et de mélodies fortes. La bande du chanteur Jan Henrink Ohme nous offre, sur ce millésime 2014, quatre longues pièces emplies d’une atmosphère très sombre, bien davantage qu’à l’accoutumée. C’est même l’opus le plus « Starless And Bible Black » de la formation, avec une utilisation intensive du mode mineur et une rage désespérée (« I’ve Been Walking – Part One », un titre émotionnellement puissant, proche du meilleur Mark Hollis dans son introduction minimaliste, au climat tantôt électrique, tantôt éthéré, et aux parties de violon finales d’une rare finesse et expressivité). L’alliage de ces mélodies finement ciselées, de ces arrangements précieux, se rapproche à plusieurs reprises de l’elfe Björk ou de ses compatriotes Islandaises d’Amiina : faut-il reprendre les clichés sur l’âme scandinave, ses mystères et ses tourments ?

Les mélopées délicieuses et lancinantes de Gazpacho alternent douceur et violence contenue avec beaucoup de passion, et transmettent l’émotion d’un opus conceptuel consacré aux bouleversements de l’âme humaine qu’ils accompagnent (ou suggèrent) à merveille. On aura compris que « Demon » est une réussite absolue, et sans aucun doute l’un des grands disques « post-prog » du moment. Il est relativement court, à l’aune des productions actuelles, mais sans temps mort ni point faible et, qui plus est, parfaitement cohérent, maitrisé jusqu’au plus infime détail de production, Et surtout, il est très personnel.

Le collectif béni par Bor, Thor et Odin, particulièrement à l’aise dans les morceaux très longs toujours fort bien écrits et agencés, possède une façon remarquable de faire enfler peu à peu des mélodies délicates en des crescendi symphoniques et planants (vous constaterez par vous-mêmes que « I’ve Been Walking – Part One » et l’épilogue fleuve « Death Room » sont des modèles du genre). Il ne dédaigne pas, par ailleurs, certaines incartades folkloriques volontairement décalées (« The Wisard Of Altai Mountain »), mais sans jamais perdre de son caractère singulier et bien affirmé.

Gazpacho réunit avec ce master opus une volonté expérimentale évidente, dans un univers musical fondamentalement progressif au sens noble et premier du terme. Rares sont ses contemporains pouvant en dire autant. C’est du lourd, vous voilà prévenus !

Bertrand Pourcheron & Philippe Vallin (9/10)

http://gazpachoworld.com/

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