Frost* – Falling Satellites

Falling Satellites
Frost*
Inside Out Music
2016

Frost* – Falling Satellites

Frost Fading

Frost*, c’est la révélation du retour d’un progressif de haut niveau qui nous avait subjugués en 2006 avec la sortie de Milliontown. Et puis, après avoir enchaîné avec Experiments In Mass Appeal en 2008, le trou noir (enfin, il ne faudrait pas oublier le « live » : The Philadelphia Experiment), Jem Godfrey, le leader, retournant à d’autres occupations, tout en préparant secrètement son retour. Aussi, avec ce Falling Satellites, on ne sait pas trop à quoi s’attendre avant d’écouter… Alors, on écoute, point-barre ! D’autant que le groupe a encore subi un lifting qui révèle un casting impressionnant : outre Godfrey, John Mitchell (Lonely Robot, It Bites, Kino, Arena…) est toujours là, et deux petits nouveaux se sont joints à l’aventure Frost* : Nathan King (on ne présente plus le frère du légendaire Mark King, leader de Level 42, lui aussi membre du célèbre groupe britannique mais aussi de It Bites, et qui tient ici les basses), et Craig Blundell, derrière les fûts. Arrêtons-nous quelques instants sur ce dernier. Blundell est certes un musicien de studio réputé, mais il souffre, à mon avis de façon très injuste, de commentaires parfois dévalorisants sur deux de ces dernières participations. D’une part, Blundell est apparu sur le Men Who Climb Mountains de Pendragon en 2014, succédant à l’excellent Scott Higham qui était un peu le chouchou des fans de la bande à Nick Barrett. Pour avoir vu jouer Blundell avec Pendragon sur scène peu de temps après son arrivée, je peux vous assurer qu’il est un batteur plus que talentueux, peut-être un peu trop effacé et pas assez démonstratif pour certains… Second handicap pour notre cher Craig : avoir remplacé l’impressionnant Marco Minnemann pour la seconde partie de la dernière tournée de Steven Wilson ! Eh bien, c’est haut la main que Blundell a remporté l’audition et, aux dires de ceux qui l’ont vu avec l’homme qui sourit rarement, Craig a largement assuré ! Il n’est donc pas étonnant que cet ami de John Mitchell ait intégré Frost* pour ce nouvel album. Et si je me suis étendu sur le nouveau batteur du projet, c’est parce que j’aime beaucoup son jeu, mais aussi et peut-être surtout parce qu’il fait un travail énorme sur Falling Satellites ! Mais il n’est pas le seul…

Au moment où le rock progressif subit une mutation pas toujours perceptible, quelle est donc la place de Frost* ? Entre un metal progressif qui commence à mon avis à perdre de sa saveur initiale et un revival prog qui a bien du mal à ressusciter la flamme des grands anciens (les dernières expériences des mythiques Yes ou Pink Floyd, par exemple, sembleraient de façon notable sonner le glas du genre), de nombreux groupes ou artistes paraissent se tourner vers autre chose. Cette autre chose, on l’appelle souvent crossover prog, new prog, post-prog ou nu-prog, qu’importe. Cette autre chose, c’est un peu le retour du refoulé, soit la renaissance des idées initiales du prog sous de nouveaux atours, qu’ils soient post-punk, post-rock, trip-hop, voire même AOR (mais pas metal) ou pop. Et là où Frost* avait commencé à défricher largement le terrain, il semble que la bande à Godfrey ait creusé avec Falling Satellites d’implacables sillons !

Frost Band

Jem Godfrey et sa bande ont pris leur temps pour concocter ce nouvel album puisque ce line-up existe en fait depuis 2010. Et cela se ressent tout au long des onze titres (en fait moins, puisque les six derniers titres forment une suite appelée « Sunlight »). Dès après une majestueuse intro, remplie de claviers et de chœurs magnifiques, on entre dans le vif du sujet avec « Heartstrings » (voir la vidéo ci-dessous). Ce titre, c’est un peu comme le croisement du Yes de 90125 avec Anderson Bruford Wakeman Howe (écoutez le passage à partir de 2:30), mais dans une version encore plus moderne. Ca pulse d’entrée et les boucles répétitives forment un tapis sur lequel King et Blundell tissent une rythmique imparable. D’entrée, les voix sont là. On lâche tout ce que l’on peut faire en même temps, on pousse le son : Frost* est de retour, bourré d’énergie, d’idées, le groupe est prêt à en découdre et à nous coller une magistrale baffe.

Après une intro « old style », « Towerblock » vire electro trip-hop et ça fonctionne à plein. On s’installe dans une production énorme où rien n’est laissé au hasard, Godfrey remplissant l’espace avec Mitchell. « Signs » sonne un peu comme du Peter Gabriel (au début) croisé avec It Bites. On se retrouve en terrain connu et Mitchell montre quel grand chanteur il est (pour tout vous dire, je l’adore). Et que dire du son du Chapman Railboard (sorte de stick au corps métallique joué à plat par Godfrey) introduit par endroits ! La composition est complexe, mais le tout résonne d’une redoutable efficacité. Un titre magnifique. « Light Out » calme le jeu avec des percussions mélangeant acoustique et électro, ainsi qu’un joli duo vocal mêlant voix masculine et féminine (Tori Beaumont).

Et puis arrive « Heartstrings » et sa démonstration virtuose. Bon sang, cette rythmique d’airain ! C’est pop et catchy dans l’esprit, mais ça envoie sérieux, avec un côté dansant et un refrain imparable (It Bites n’est encore pas loin). Ce titre inaugure l’épique « Sunlight » (mais on peut aussi en écouter les six titres séparément). Et vient « Closer To The Sun » à l’intro quasi new wave ! Le morceau étend son ambiance éthérée et ses percussions électroniques mêlées de vraie batterie jusqu’à la surprise, l’arrivée de Satch en personne ! Joe Satriani, Jem Godfrey l’a rencontré en jouant en live pour le projet G3. Godfrey et Satch commencent à échanger sur ce titre et cela continue sur les pièces de ce « Sunlight », comme par exemple sur ce « The Raging Against The Dying Of The Light Blues In 7/8 » qui porte bien son nom et ressemble étrangement à du Toto. « Nice Day For It… » repart sur le même thème, mais en instrumental (sauf la toute fin)… C’est toujours aussi bien fait, mais une petite lassitude gagne l’auditeur (un peu comme le Please Come Home de Lonely Robot), malgré un break à la technicité flamboyante et une dernière intervention de Satch. « Hypoventilate » remplit l’espace avec les claviers pompiers qu’affectionne souvent Godfrey. L’album se conclut avec un « Last Day », piano-voix, répondant au titre de départ pour boucler le concept de l’album sur la vie et la chance d’être les survivants d’un hasard astronomique nous ayant menés de l’âge de pierre à maintenant…

Au final, on se trouve avec une galette imposante et impressionnante qui ne solutionnera pas les avis partagés sur Frost*. Les aficionados continueront de porter le groupe au pinacle du rock progressif du XXIe siècle, ses détracteurs le condamneront au périgée… Pour ma part, je serai presque au mitan, appréciant sans mesure les morceaux les plus audacieux qui ramènent aux ambiances pop electro musclées qu’affectionne Jem Godfrey, un peu moins amoureux des passages pompiers et grandiloquents d’un prog symphonique parfois atteint de priapisme…

Henri Vaugrand

http://frost.life/

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