Florent Marchet – Bambi Galaxy

Bambi Galaxy
Florent Marchet
Pias
2014
Fred Natuzzi

Florent Marchet – Bambi Galaxy

Florent Marchet 2.0. C’est le constat que l’on peut faire après la découverte de cet étrange et fascinant album. En effet, celui qui arborait jacquard et moustache, et parlait avec une infinie précision de la nature humaine et de notre société au cœur d’écrins pop subtilement arrangés, a pris un chemin de traverse remarquable. Changement de look d’abord, plus moderne, et comme Arman Méliès avant lui, radicalisation de sa musique, en prenant un virage électro très prononcé. Il conserve cependant sa voix Souchonesque, et ses mélodies reconnaissables entre mille. Les textes ciselés et précis sont toujours là, et servent un sujet hautement d’actualité. Florent Marchet a beaucoup lu et s’est interrogé sur le monde et ses finalités. Quel est le regard de l’homme actuel sur sa condition, sa place dans l’univers ? Alors que la fin d’un cycle approche, les échappatoires sont multiples, mais éphémères, vaines ou superficielles. Florent Marchet explore les différentes possibilités dans cet album conceptuel, qui arrive à parler intelligemment de notre société, avec une musique plus exigeante et des textes superbes. « Bambi Galaxy », c’est un voyage au cœur de notre propre univers, et au-delà, vers l’espace, ultime frontière. L’homme tente de se réinventer, se projette et se fantasme, comme  Michael Jackson (Bambi) en homme 2.0, mais qui est en fait un concept utopique.

L’opus débute par un morceau instrumental, « Alpha Centauri », qui impose son électro de manière définitive. Les chœurs spatiaux, que l’on dirait sortis tout droit de « 2001 » de Kubrick, prennent aux tripes et instaurent un climat inquiétant, belle entrée en matière pour ce voyage électro pop symphonique. Les vignettes cinématographiques vont se succéder, prenant chacune un thème. « Reste Avec Moi » parle de la violence du monde, de la façon dont tout se dégrade, de l’isolement et de la peur. Tout cela sur de l’électro entraînant et entêtant. Dans « Que font les anges », les images se télescopent dans un grand kaléidoscope d’émotions, où la drogue joue de ses illusions. « Où étais-tu » narre brillamment les errances d’un homme, perdu dans ses désirs d’ailleurs. Le single étonne par son aspect cool et hautement addictif.

Les plaisirs hédonistes de « Héliopolis » amusent avec ce héros qui cherche à vivre nu en osmose avec l’univers. Un délire post-hippie qui tend vers les sectes, et qui rappelle les excentricités d’un Philippe Katerine. « 647 » explore le mystère des nombres premiers, les associant à des sentiments mêlés. Comme un autiste perdu dans son cosmos intérieur. La musique est au diapason, étrange mélange de naïveté et d’écho dansants. Retour aux sectes avec « Space Opera », vignette non dénuée d’humour mais inquiétante, dans cet abandon à une doctrine qui vise à annihiler son propre corps au profit d’une vie éternelle dans l’espace. Musique entraînante aux effluves fin sixties, un morceau très réussi. « Bambi Galaxy » hypnotise et nous entraîne dans une interrogation existentielle par l’isolement dans un univers inconnu. Toute la partie instrumentale du titre est d’une envolée magistrale.

« La Dernière Seconde » parle encore de l’errance humaine parmi ses congénères, son isolement de plus en plus conséquent et sa volonté que tout s’arrête. Un pessimisme intime prenant. L’infiniment grand et l’infiniment petit s’entrechoquent « Devant l’Espace », tandis que « Apollo 21 » relate façon journal de bord, le voyage intersidéral d’une famille qui a choisi de quitter la Terre pour aller s’établir sur une colonie lointaine. Mise en musique futuriste, électro jouissive et retour des chœurs « 2001 ». Un mini film en lui-même. Enfin, « Ma Particule Elémentaire » insiste, avec une guitare folk plus organique, sur le fait que nous sommes notre propre univers, et que dans ces protons, molécules et particules, » la vie déborde à chaque fois ».

Avec une musique influencée par la new-wave, l’électro, les musiques de films de science-fiction et la pop, Florent Marchet s’impose avec ce quatrième album émouvant, fascinant et intelligent comme un créateur  à suivre, et qui a réussi à se renouveler sans se dénaturer. En France, nous avons de plus en plus d’artistes précieux qui œuvrent en dehors des carcans de la musique typée française, et qui peuvent, avec des textes poétiques, cryptés, ou cinématographiques, nous faire réfléchir et nous faire naître des émotions contradictoires, tout en produisant une musique travaillée et conceptuelle. Florent Marchet en fait définitivement parti avec ce bel ovni synthétique et mélodique.

Fred Natuzzi (9/10)

http://www.florentmarchet.com/

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