Feu ! Chatterton – Labyrinthe

Labyrinthe
Feu ! Chatterton
Virgin
2025
Thierry Folcher

Feu ! Chatterton – Labyrinthe

Feu ! Chatterton Labyrinthe

Nos amis de Feu ! Chatterton n’ont jamais manqué un rendez-vous avec Clair & Obscur et ce n’est pas aujourd’hui que ça va changer. D’autant plus que Labyrinthe, leur toute nouvelle et quatrième production, est à la hauteur de nos espérances. Elle efface surtout les craintes liées à cette fameuse fin de décade souvent périlleuse. L’inspiration est bien présente, la qualité des compositions au top et la communion entre les musiciens fait vraiment plaisir à voir. Une introduction en forme de conclusion qui peut suffire à certains, mais qui semble un tantinet maigrelette pour satisfaire nos habituels lecteurs. Alors, penchons-nous d’un peu plus près sur cette belle heure de paroles et de musiques découpée en treize titres offerts avec ce qu’il y a de meilleur dans la chanson française. Petit retour en arrière, vers ce Palais d’Argile  qui nous avait enchantés lors de sa sortie il y a quatre ans. Déjà, à l’époque, on parlait d’une réussite collégiale, de l’aboutissement d’une formule portée par tout un groupe. Et même si la présence d’Arthur Teboul était, comme à chaque fois, la plus visible, on ne pouvait se défaire du travail millimétré des guitares de Sébastien Wolf et de Clément Doumic ainsi que de l’apport non négligeable d’Antoine Wilson à la basse et de Raphaël de Pressigny à la batterie. Sans oublier une participation en commun pour l’écriture et la conception. Ce qu’il y a de curieux, c’est que ces remarques s’appliquent à la lettre avec ce tout dernier Labyrinthe, mais sans qu’on ait le sentiment de revivre la même aventure. La magie du groupe réside peut-être là, dans cette capacité à se surpasser tout en reconduisant une recette éprouvée. Une façon de faire qui plonge à nouveau dans la poésie classique pour les paroles et dans des voyages merveilleux pour la musique.

Treize chansons donc, avec en point de mire cette facilité d’accaparer l’attention, de ralentir nos fonctions vitales et de se dire que Feu ! Chatterton est décidément unique en son genre. Le choix du labyrinthe n’est pas fortuit, car il symbolise tout autant nos parcours de vie que la diversité d’un disque où l’on aime se perdre sans chercher à tout prix une issue. Labyrinthe est long, parfois semé d’embûches, mais toujours intéressant. La chanson « Allons Voir » qui ouvre le bal est une invitation faite à nous tous dans un style déclamé très convaincant. L’éloquence des paroles évoque le départ, le lâcher prise et la réalisation de nos rêves. Arthur nous tend la main et, croyez-moi, on a une furieuse envie de la saisir. La musique est rock, puissante, mais sans pour autant laisser de côté quelques petits ornements fort bien amenés. Cette entrée en matière a le mérite d’accrocher les quidams déboussolés et de les pousser dans « Le Labyrinthe » grâce à un discours métaphorique, compatissant et finalement universel. Ici, la musique hésite entre bossa, électro, calypso, hip hop et tournures pop typiquement franchouillardes. Mais, il faut bien avouer que ce méli-mélo festif fonctionne à la perfection. Arthur module sa voix comme il sait si bien le faire et au bout de seulement deux titres, ce nouveau Feu ! Chatterton semble parti pour être une réussite. Cela dit, je me pose la question : Comment vais-je faire pour passer chaque chanson en revue sans tomber dans une assommante logorrhée ? Eh bien, tant pis, je ne veux pas me censurer et qui m’aime me suive.

Feu ! Chatterton Labyrinthe Band 1

Ce début d’album a mis la gomme comme il fallait pour bousculer l’auditoire. Il était donc temps de passer à autre chose et le troisième épisode intitulé « Ce Qu’on Devient » aura un autre niveau d’écoute. Fini les grands discours, on est ici dans l’intimité des confidences, mais sans tomber pour autant dans la torpeur. La musique, très « variété » par moments, surprend par sa construction presque à contre-emploi. Seulement voilà, le groupe possède le pouvoir (le devoir ?) de ne pas se contenter de la banalité et de ce fait, il faut s’attendre à tout. La fin de la chanson nous proposant même quelques instants à part qui changent tout. Il y a bien sûr un peu de Ferré au début, mais je pense surtout au regretté Christophe dont les derniers témoignages possédaient, eux aussi, la magie de ces ouvrages qui ne se refermaient jamais complètement. Il en est de même pour « À Cause Ou Grâce » dont les mots, très bien écrits au demeurant, auraient pu finir dans le panier encombré de la nostalgie complaisante. Eh bien non ! Ici, c’est une production inventive qui mettra cette chanson sur orbite et dans la catégorie des choses que l’on aime retrouver avec envie. C’est aérien, bourré de gimmicks et finalement inclassable. On continue avec « Baisse Les Armes », certainement un des titres les plus convenus du disque. L’orchestration, légèrement exotique, donne envie de remuer, mais c’est à peu près tout comme accroche. Dommage, même si j’ai l’impression de faire la fine bouche par rapport à la qualité rencontrée jusque-là. Mais bon, les comparaisons sont inévitables, à plus forte raison quand la suite s’appelle « Cosmos Song ». Alors là, ça déménage et c’est du côté des catalans de The Limiñanas que la musique se dirige sans vergogne. C’est direct, bien produit et en parfait soutient à des paroles étranges qui répondent (peut-être) à Jean Ferrat qui « ne chantait PAS pour passer le temps » (lui-même en écho au poème d’Aragon). À mon avis, c’est bien trop précis pour être fortuit.

Il reste beaucoup de choses à voir et je vais essayer de ne pas trop m’égarer en chemin. Il faut dire que chaque étape mérite qu’on s’y attarde un peu, à l’image de « Mon Frère », où là aussi l’évidence des paroles se trouve sublimée par une orchestration en tout point remarquable. Et puis, il y a le poignant « Mille Vagues » dédié à Jean-Philippe Allard, leur ancien manager décédé au printemps 2024. C’est probablement en raison de son long parcours de producteur de jazz que le groupe a fait appel à Oan Kim pour venir déposer quelques notes de saxophone fortes à propos. Comme souvent avec Feu ! Chatterton, Arthur Teboul rend hommage à ses maîtres poètes que sont Aragon et Léo Ferré. Pour le premier, il sublime carrément « J’arrive Où Je Suis Étranger », un texte magnifique transformé en un « Étranger » très percutant et symbolisant notre parcours de vie depuis la naissance jusqu’à l’inéluctable fin. Quel beau requiem ! Je suis sûr qu’Aragon aurait apprécié. Pour Ferré il s’agit d’un texte très ancien (1945) intitulé « Le Carrousel du temps perdu » lui aussi raccourci en un « Carrousel » beaucoup plus gentil, mais tout aussi bien interprété. Auparavant, « L’Alcazar » s’était intercalé entre ces deux monstres sacrés avec autant de force et de pouvoir évocateur. À la différence près que la musique semble libérée du poids de la transmission et s’habille avec un peu plus de modernité et de lâcher prise. La fin (du disque) approche et l’imposant « Monolithe » vibre de multiples résonances et nous parle de libération. « Que tout se dénoue… » scande Arthur dans ce post rock malsain et froid qui nous atteint immanquablement. L’ultime arrêt se fait « Sous La Pyramide » dans une atmosphère apaisée qui soulage de la noirceur précédente. Ces dernières minutes montent crescendo et ferment le livre d’une épopée qu’il faut revivre encore et encore pour bien l’apprécier. Alors, c’est parti ! « Allons Voir » si le voyage vaut la peine d’être retenté. Pour ma part, j’en suis certain.

Feu ! Chatterton Labyrinthe Band 2

La sortie d’un album de Feu ! Chatterton n’est pas une chose à prendre à la légère. Pour ce nouveau Labyrinthe, j’ai essayé d’éviter le piège des phrases creuses en privilégiant une classique revue chanson par chanson. Une façon de faire qui peut sembler académique pour certains, mais qui a l’avantage de vraiment incarner le partage et la convivialité. Ici, la matière était dense et le défi à la hauteur d’une publication hors norme. Je me suis notamment appliqué à ne rien oublier tout en évitant d’assommer les lecteurs. Par ailleurs, je ne doute pas un instant que nos ressentis peuvent être différents et ce qu’il y a de formidable, ce sont les débats que cela peut provoquer (n’hésitez pas à commenter !) J’ai beaucoup aimé cet album qui réconciliera le public avec les beaux textes et une musique innovante, parfois inédite. Mais pour tous ceux qui suivent Feu ! Chatterton depuis leurs débuts, cela ne faisait aucun doute.

https://feuchatterton.fr/

Un commentaire

  • John Wick

    Hormis la palme d’or d’un des noms de groupe le plus stupide en France, la musique composée par ce groupe est d’une platitude extrême. Je comprends qu’on puisse aimer mais c’est un peu comme l’effet Coldplay sur ses derniers albums…. On ne retient rien.

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