Festival Prog en Beauce 3 : la passion toujours au rendez-vous…
Festival Prog en Beauce 3, à Villemeux-sur-Eure (28), le 24 octobre 2015
La troisième année est souvent cruciale pour la pérennité d’une entreprise… Bien entendu, la comparaison s’arrête là pour l’équipe associative de bénévoles emmenés par Agnès, Jean-Michel, Monique et Thomas. Après avoir assisté à un Prog en Beauce 2 de haut-vol sous un soleil radieux (pour mémoire : Clepsydra, Gens de la Lune, Lazuli, Sylvan), le plateau bigarré de la troisième édition m’incitait au déplacement en terre d’Eure-et-Loir… Si le soleil était un peu moins présent qu’en 2014, la météo était tout de même plutôt clémente en cette fin octobre. L’accueil était toujours aussi sympathique et organisé (billets attendant sagement à l’accueil pour nous). Première nouveauté : le groupe local Controverse faisait découvrir son rock progressif en français sous un chapiteau, ce qu’il fera aussi entre les passages des différents groupes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, si l’initiative est intéressante, le public a plutôt boudé un groupe qui n’en laissait rien paraître et dont les morceaux aux textes profonds et engagés étaient bien interprétés par des musiciens au service de leur chanteuse-violoniste Marie. A revoir dans d’autres conditions ! Comme toujours à Prog en Beauce, les stands de merchandising étaient nombreux en fond de salle, principalement dédiés aux groupes de la soirée, mais avec la présence des Bretons de Seven Reizh venus présenter et dédicacer leur dernier album, La Barque ailée, ainsi que celle de Nick Gardel, proposant son dernier polar, Mal placé, aux refrains et aux emprunts progressifs à Marillion.
Ce sont les Luxembourgeois de Light Damage qui ouvraient le bal. Fort d’une série de concerts de promotion de son album éponyme (dont un à la convention ProgResiste), le groupe proposait son progressif en anglais avec sa dernière recrue, le batteur Christophe, et les assauts guitaristiques de Stéphane. Le chant de Nicholas-John, s’il n’arrive pas vraiment à me convaincre sur disque, passe bien mieux sur scène, et la bonhomie de Fred à la basse vrombissante entraîne l’adhésion. Le groupe est visiblement et auditivement rôdé par ses dernières sorties et le public apprécie et remercie chaleureusement cette prestation parfois proche du post-rock et autres accents crimsoniens. Pas de rappel mais une photo avec le quatuor de l’organisation (c’est une autre des nouveautés pour serrer le timing et permettre à tous les groupes d’avoir un temps conséquent d’expression).
Le temps d’aller s’abreuver en saluant quelques amis et d’écouter encore un peu de Controverse, et voici les Espagnols de Harvest. Il faut quand même remarquer combien les organisateurs réussissent des choses inespérées, parce que faire venir ces sympathiques Catalans à un festival près de Chartres pour leur premier concert en France, ce n’est pas donné à tout le monde. Harvest est sans doute le groupe le plus néo-prog de la soirée. J’avais beaucoup aimé leur dernière production de 2014, Northern Wind. Mais là, je dois dire que la prestation m’éblouit ! Certes, la présence et la voix de la Batave Monique van der Kolk y font pour beaucoup, mais le groupe délivre une belle prestation, axée principalement sur le dernier opus, avec une belle cohésion. Mention spéciale aux interventions du guitariste Jordi Prats et à la qualité de la section rythmique emmenée par un Alex Ojea, à mon sens le meilleur batteur de la soirée. Le public apprécie, ce qui déclenche les sourires des musiciens, visiblement heureux de l’accueil qui leur est réservé. Clic-clac, clichés avec les organisateurs, retour de Controverse en extérieur, bière, sandwich, et le temps de me faire offrir les disques de Harvest, gentiment dédicacés par Monique ! Franchement, elle n’est pas belle la vie ?
D’autant que déboule Franck Carducci et son groupe au complet. Il y a dans la salle les inconditionnels et ceux qui ne connaissent pas. Pour ma part, j’aime beaucoup ses deux albums (Voir la chronique de Torn Apart par l’ami Lucas Biela) avec leur côté bluesy et l’inspiration très prog seventies. J’ai donc hâte de voir le sympathique Franck sur scène après l’avoir raté il y a peu à côté de Bergerac. D’entrée, ça balance sévère. Il faut dire que le groupe joue régulièrement, le show est ainsi bien rôdé et très visuel. De ce point de vue, pas de souci, les effets sont là, les maquillages, les masques, les poses, la présence un tantinet outrancière de Mary Reynaud, et surtout la qualité musicale des deux guitaristes, Mathieu Spaeter et Christophe Obadia qui, chacun dans son style apportent une plus-value indéniable à un ensemble qui tourne rond. D’ailleurs, le public ne s’y trompe pas, visiblement conquis par la prestation de Franck et ses sbires. Pour ma part, je reste un peu sur ma faim, dérangé par un chant en anglais aux accents marqués ainsi que quelques imperfections vocales de Mary et Franck, aléas du live. Néanmoins, Franck Carducci recueille des applaudissements plus que chaleureux et tout le monde sourit à l’apparition du fameux chapeau scénique et lors de l’interprétation de « Alice’s Eerie Dream ». Encore des photos et tout le monde se prépare pour la tête d’affiche : The Pineapple Thief.
Nos Anglais ont récemment pris un virage un peu plus sage que n’a pas manqué de souligner, en le regrettant quelque peu, Fred Natuzzi dans sa chronique de l’album Magnolia. C’est vrai que ça joue plutôt un peu Brit Pop, très catchy, avec des morceaux relativement courts et joliment troussés, très pêchus, portés par une section rythmique d’airain, à savoir le fidèle Jon Sykes à la basse et aux chœurs, et Dan Osborne aux fûts – qui doit être écossais ou canadien tellement il frappe fort sur ses peaux ! Bruce Soord est visiblement à l’aise, plaisante avec son technicien guitares, dédie un morceau aux Morganatics, présents dans la salle, après avoir participé récemment à leur album We Come From The Stars. Les morceaux s’enchaînent, alternent les ambiances, Bruce passe de l’électrique à l’acoustique, et va même jusqu’à nous faire chanter en français sur un extrait de son album solo sorti depuis… En tout cas, même si c’est loin des canons habituels du prog, c’est excellent et l’on a droit à un set dont on pourra se souvenir et dire que l’on y était. Photo, rideau, clap de fin…
Le temps de faire dédicacer quelques albums par tout The Pineapple Thief, et l’on commence à tirer les premiers enseignements de ce PeB3 en discutant avec organisateurs et spectateurs. Car il y a un mais, et celui-ci est de taille, si ce n’est insurmontable ! Si le festival a été de grande qualité (le meilleur des trois PeB pour certains), si l’organisation a encore fait des progrès dans ce qu’elle propose, hélas, le public a moins bien répondu que l’année précédente et la pérennité du festival est un jeu. A l’heure où les organisateurs pensaient passer à deux jours pour Prog en Beauce 4, il s’avèrera après quelques jours, une fois les comptes faits, que ces derniers n’y sont pas. Bien entendu, les passionnés se sont aussitôt précipités pour renflouer les caisses, équilibrer le bilan associatif et permettre à l’équipe de réfléchir à l’an prochain. Il n’empêche, voir des gens sympas et passionnés se démener comme des dingues pour offrir, à un prix raisonnable, un plateau d’une telle qualité sans que le public ne réponde assez présent (hormis une palanquée de fondus que l’on croise régulièrement sur d’autres festivals), passez-moi l’expression, mais ça fait quand même mal au cul !
Mais faisons fi d’un défaitisme bien franchouillard et ne doutons pas que Prog en Beauce verra éclore une quatrième édition bien mieux achalandée et dotée d’un plateau encore plus mirifique – ils en sont capables, les bougres ! C’est le vœu que nous pouvons formuler après un PeB3 du feu de Dieu…
Henri Vaugrand
NB : nos remerciements les plus chaleureux envers les organisateurs, Bill Bocquet pour les photos et Gil Prog pour la vidéo, de nous avoir autorisés à publier leurs illustrations.