Fat Wang – Guru
Cold Smoke Records
2019
Jean Christophe Mouton
Fat Wang – Guru
Il faut croire que le format duo rock est le nouveau « power trio » ; vous pouvez juger en même temps de mon niveau en maths. Ainsi nous avons vu fleurir les Blood Red Shoes, les Royal Blood, The Kills ou les Ting Tings sans oublier les White Stripes, quasi pionniers de ce format. L’intérêt est vite trouvé : un son plus compact, une écriture plus épurée et plus directe car à deux, point d’arrangements alambiqués à la Queen. Non, je plaisante. L’intérêt majeur du format duo est moins d’engueulade entre musiciens (quoique), pack de bière plus facile à partager et cacheton plus conséquent lors des concerts.
Cette fois, il ne faut pas traverser l’Atlantique ni la Manche mais bien les Alpes pour découvrir Fat Wang, duo rock fondé en 2017 à Fribourg en Suisse. Valentin Descloux assure derrière les fûts tandis que David Bourquenoud, fin bricoleur, assure à la fois à la guitare et la basse. Car c’est le point commun de tous les duos rock suscités : ce sont tous des projets de bricoleurs de génie qui fabriquent leurs propres circuits (voire même leur propre instrument) pour à la fois jouer de la guitare et de la basse ! Il l’a confessé d’ailleurs en 2017 dans les colonnes de laliberte.ch : « De mon côté, je me suis retrouvé à bricoler mes propres pédales pour me créer un son sur mesure. À cela s’ajoute l’usage de plusieurs amplificateurs différents afin de varier l’intensité des différentes parties ». Voilà pour l’explication. Et pour le son ?
Dès les premières notes de Guru, leur EP autoproduit paru courant mai, Fat Wang annonce clairement la couleur : ils sont là pour jouer fort ! Le son est très gras, quasi épais ; la batterie semblerait presque peiner à se frayer un chemin dans le mur du son des guitares. C’est puissant, colérique. On pense bien sûr à Royal Blood mais en beaucoup moins poli.
Passées les présentations assurées par le premier titre « Autodafé » bruyant et énervé, Guru nous plonge dans l’univers électrique de « Awkward » avec une voix presque punk. Quelques faussetés clairement assumées me font tiquer, mais cela sert le son et l’ambiance sauvage. « Awkward » se déroule sur plus de 7 minutes et vire progressif. Le duo, loin d’être bourrin, joue dans les nuances et nous emporte avec lui.
« Sun » est paradoxalement crépusculaire. Son intro bruitiste, proche du sound design, annonce une ambiance poisseuse qui va monter crescendo pour retrouver le son rugueux et dense qui fait la marque de fabrique du duo. Faussement posé, « Liars » propose une intro mid-tempo, mais le morceau retrouve rapidement une ambiance électrique et très nerveuse. Les deux musiciens se répondent et font preuve d’une solide mise en place. J’imagine quelle énergie ils doivent dégager sur scène ! « Wolves » fait monter d’un cran la haute tension de ce déluge de décibels. David retrouve la voix du second titre, éraillée et désabusée. L’EP se clôt sur les 8 minutes de « Mass » qui, comme « Awkward » au début, varie dans les nuances et propose de belles plages noisy rock très pêchues. Du pur jus à pogo !
Guru est une très belle découverte. Le duo Fat Wang – au nom très classe – a un son compact et une écriture rêche dans la grande tradition du rock ; ils sont jouissifs à écouter. Il ne manque plus que la voix de David progresse un peu pour donner de l’ampleur à leur titres qui sont très prometteurs. Vivement la suite !
https://coldsmokerecording.bandcamp.com/album/guru