Ending Satellites – And So Sing The Black Birds
Ending Satellites
Autoproduction
Disons le d’entrée de jeu, ce nouvel EP signé par l’énigmatique Ending Satellites est une bien belle surprise ! Plus qu’un énième groupe se revendiquant d’un genre particulier, il s’agit là d’un concept artistique à part entière au-delà des étiquettes, qui combine la magie du son et de l’image, afin de générer sur le long cours (et au fil des rencontres et parutions), une œuvre dense, forte et originale, relevant tout autant du registre musical que graphique. Et ce laboratoire créatif s’avère à l’arrivée aussi protéiforme dans les styles abordés et les modes d’expression que dans le « line-up aléatoire » qui matérialise collectivement chaque étape du parcours. Le projet « Ending Satellites » est entièrement piloté et orchestré par Damien Dufour, un musicien et photographe français qui n’en est pas à son coup d’essai, et qui, une fois n’est pas coutume, signe l’ensemble des compositions jalonnant ce mini-album passionnant, certes plutôt ramassé dans la durée (31 minutes au compteur) mais incroyablement riche en émotions, couleurs et contrastes. Entre échappées instrumentales grandioses et climats minimalistes à la limite de l’ambient, c’est à un véritable voyage intérieur hautement cinématique que Damien Dufour nous convie avec son « And So Sing The Black Birds », l’ouvrage étant d’ailleurs conçu comme la bande originale d’un film imaginaire, réalisé en simultané par l’auditeur durant une écoute attentive en mode « immersif ».
Néanmoins ici, chacun des sept titres correspond à un cliché bien particulier, fruit du superbe travail photographique de Damien Dufour et de Céline Primé, que je vous laisse le soin de découvrir quand vous téléchargerez l’édition augmentée de l’album sur le site officiel de ce groupe qui n’en est pas un. Sept compositions donc, sept fresques instrumentales de durées variables (avec en plat de résistance LE gros morceau éponyme en ouverture) et à la production exemplaire, qui nous transportent de la première à la dernière seconde.
On pourrait définir le style général de Damien Dufour comme un généreux mélange de post-rock (avec des emprunts habiles à l’esthétique Mono, Explosions In The Sky ou encore This Will Destroy You pour leur sens aiguisé de l’hybridation réussie entre sonorités rock et electro) et de musiques de films façon Ennio Morricone (pour l’esprit et le sens mélodique), de Cliff Martinez (pour sa capacité à engendrer des atmosphères particulièrement high-techs et envoûtantes), de Yann Tiersen (pour le toucher pianistique) ou encore de John Murphy (pour le design sonore de son puissant score de « 28 jours plus tard »).
Mais l’album puise aussi quelque peu dans le downtempo (l’approche éthérée des écossais de Boards Of Canada n’est pas bien loin) et le courant néo-classique, avec ici et là l’emploi d’une orchestration à base de cordes (« And So Sing The Black Birds « ) ou d’un piano parfois mis au premier plan (« A Day In Port-Royal », « Outro »). Et dire que l’ensemble est l’œuvre d’un seul homme, ou presque ! (C’est en effet un certain François Creutzer qui tient la basse sur le sublime « Hollow & Ghosts »). Et surtout, on ne sait avec quels moyens techniques Damien Dufour est parvenu à nous donner l’illusion qu’un collectif de musiciens expérimentés officie sur l’enregistrement de morceaux dont le niveau de professionnalisme laisse carrément pantois !
D’ailleurs, le très discret Damien ne laisse filtrer aucune information ou presque sur ces questions pourtant essentielles pour la plupart des mélomanes : qui tient les guitares acoustiques et électriques ? S’agit-il d’une vraie batterie ou de programmations ? Qui assure le mixage ? Comment réaliser en solitaire, et sans artillerie lourde ou logistique solide, une œuvre aussi aboutie dans tous les sens du terme ?… Non, seul son sujet l’intéresse, à savoir continuer à produire de la musique inspirée, sincère et généreuse, et qui plus est diffusée gratuitement sur le web, visuels inclus ! Un appel aux dons est néanmoins suggéré aux internautes, car tout a un coût, et plus les contributions viendront, plus ce merveilleux projet aura des chances de perdurer.
En attendant, je vous suggère avec insistance d’aller jeter une oreille curieuse sur ce classieux nouvel opus mis en boite par Damien Dufour, un disque (car on tient encore à appeler cela ainsi chez C&O, même à l’heure de la dématérialisation des supports !) aussi riche en mélodies qu’en textures, bourré de sensibilité et de feeling, tour à tour mélancolique, contemplatif, onirique, quand tout cela ne vous submerge pas à la fois. La grande classe, point barre.
Philippe Vallin (8,5/10)
http://www.endingsatellites.com/
Album en téléchargement gratuit ici
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