Echolyn – Echolyn

Echolyn
Echolyn
2012
Echolyn Prod

Echolyn

Avec Spock’s Beard, The Flower Kings, Anglagard, Anekdoten, Porcupine Tree et beaucoup d’autres, Echolyn fut l’un de ces nouveaux groupes du rock progressif qui ont fait leur apparition au tout début des années 90 en contribuant, avec un foisonnement créatif qui force le respect, à la renaissance et au prolongement inespérés d’un « genre », peut-être un peu trop vite enterré par une presse musicale grand public, snobinarde et bien pensante. Si ses talentueux alter-égos, dont les quelques références désormais incontournables énumérées plus haut, vont généralement puiser leur inspiration chez les glorieux aînés que sont  Yes, Genesis, King Crimson ou Pink Floyd, c’est plutôt du côté de Gentle Giant qu’il faut se tourner dans le cas d’Echolyn. Réécoutez donc leur fabuleux « As The World » pour vous en convaincre, c’est absolument frappant ! Moins connu à la grande époque des seventies (mais tout aussi génial, pour ne pas dire plus) que ses compatriotes britanniques d’exception, Gentle Giant était une formation atypique et expérimentale reconnue pour la sophistication extrême de ses compositions et de ses mélodies, en mélangeant allègrement le rock au jazz, en passant par la musique classique et médiévale. Echolyn affiche d’emblée la même volonté de fusionner les genres, de briser les codes et de repousser les limites, et sans jamais parodier ou plagier son principal mentor. Le groupe se façonne au contraire un univers bien à lui dès son premier album éponyme paru en 1991, point de départ d’une carrière exemplaire, mais parfois contre vents et marées (après la sortie de « As The Word » en 1995, ils sont lâchés par Sony Music, qui ne trouve pas en lui le potentiel commercial espéré. Vilaine pompe à fric, quand tu nous tiens !)

Il va de soit que la musique d’Echolyn  est assez difficile à décrire tant celle-ci est dense, technique et complexe (mais sans jamais se révéler « assommante » ou stérile en terme d’émotions), riche en variations, harmonies vocales à tomber, rebondissements multiples et changement de climats jamais futiles. Sa grande force est de toujours savoir allier complexité et accessibilité, en restant toutefois un peu moins « mainstream » que ses joyeux mais non moins doués compatriotes de Spock’s Beard. Malgré la virtuosité affichée dans son ensemble, l’oeuvre d’Echolyn parle aussi bien à la tête qu’au cœur, ce qui n’est pas si commun finalement avec des formations de ce niveau et de cette ambition.

Contrairement à beaucoup d’autres célèbres combos affiliés à cette famille musicale aux multiples et passionnantes ramifications (n’en déplaise à ses détracteurs !), Echolyn est un de ceux qui sait se faire attendre, parfois même au delà du raisonnable. La parution d’un nouvel album des américains est donc, de ce fait, un événement toujours fébrilement attendu par les fans, dont il est inutile de vous dire ici que je fais partie. De plus, avec la plupart des formations progressives de cette notoriété, on devine à peu près à chaque fois ce qui sera servi au prochain menu et quels en seront les principaux ingrédients. Chez Echolyn, c’est toujours un peu plus compliqué, car si le groupe affiche définitivement une identité propre ainsi qu’une qualité de production à peu près constante depuis l’indispensable « Suffocating The Bloom » (1992), il créé la surprise d’album en album, sachant varier avec le brio qu’on lui connait les formules, les tonalités, les structures, les atmosphères… en bref, les recettes et les saveurs !

Premier constat en découvrant ce nouvel opus (sans titre, pour la seconde fois de son histoire), c’est que celui-ci est double, mais avec deux disques qui sont pourtant loin d’être remplis ras la gamelle, à tel point que tout le contenu musical aurait pu aisément tenir sur un seul CD. Est-ce à cause de l’ambiance générale qui tranche assez nettement entre les deux volumes ? Le premier est en effet bien plus « pétaradant » et alambiqué que le second, davantage apaisé, plus linéaire également dans la structure des différentes compositions, mais tout aussi intéressant, heureusement ! Tout le début de « Speaking In Lampblack », avec sa mélodie, ses notes de pianos délicates et nappes d’orchestre en apesanteur, pourrait presque sortir tout droit du magnifique « Weather System », le nouveau bijou signé cette même année par le groupe pop-métal-atmosphérique Anathema. D’ailleurs, je n’avais jamais remarqué que la voix de Ray Westion ressemblait à ce point à celle de Vincent Cavanagh, surtout quand les deux chanteurs font dans le même mélancolique ! Le line-up reste inchangé par rapport à « The End Is Beautiful » paru il y a déjà 7 ans, sauf qu’on retrouve ici et comme dans la plupart de leurs œuvres antérieures de nombreux musiciens additionnels (saxophone, violons, violoncelle et choristes), histoire d’enrichir encore un peu plus la palette sonore du groupe. Et avec cette formule on ne peut plus complète, aucune faute de goût à déplorer en terme de « son » et de production. En effet, pas de claviers ringards ni de pompiérisme outrancier à redouter, mais une musique soignée à l’extrême, aussi bien dans le fond que dans la forme.

L’album comporte 4 titres par disque, dont trois suites qui dépassent les 10 minutes, à commencer par le consistant et dynamique « Island » qui ouvre les festivités avec un bon gros riff emprunté au hard-rock, avant de nous entrainer dans les méandres d’une composition symphonique à tiroirs qui accroche dès la première écoute. C’est un peu comme si les membres de Spock’s Beard ou Kansas avaient jammé emsemble, puis composé avec ceux de King Crimson, sauf qu’il n’y a pas photo, c’est bel et bien encore une fois du Echolyn pur jus ! Chaque musicien est en place, toujours juste, toujours précis, impeccable, et en parfaite symbiose avec ses collègues. Quelle section rythmique mazette ! Tom Hyatt (basse) et Paul Ramsey (batterie) atteignent tout simplement ici la quintessence de leur savoir faire. Quant à Brett Kull, il fait quant à lui des miracles avec ses 6 cordes, à l’aise dans tous les registres, variant constamment les effets de ses guitares en fonctions des climats recherchés.

Dans l’ensemble, je dirais que ce nouvel opus est une sorte d’émulation parfaite entre le meilleur de « The End Is Beautiful » et l’ambition instrumentale de « Mei » (2002), avec son unique suite fleuve d’une cinquantaine de minutes, considérée par beaucoup comme le sommet artistique du groupe. Pour ma part, je serais tenté de dire que c’est avec cet Echolyn cuvée 2012 que l’on tient enfin leur chef d’oeuvre absolu. Mais n’est-ce pas le discours tenu par presque tous à chaque nouvelle parution d’album des américains, votre serviteur inclu ? Quoi qu’il en soit, nous tenons là un très gros must du groupe et du rock progressif actuel en général, qui sera à mon humble avis classé haut la main parmi les premières places du palmarès de fin d’année d’un bon nombre d’amateurs du genre.

Philippe Vallin (9,5/10)

http://www.echolyn.com/

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