Dreamers’ Circus – Handed On
Vertical Records
2025
Lucas Biela
Dreamers’ Circus – Handed On
Le Danemark est terre de metal avec King Diamond et Mercyful Fate. Mais le jazz y occupe également une part importante, comme nous l’a rappelé Niels-Henning Ørsted Pedersen. Enfin, il ne faudrait pas occulter le folk, dont Dreamers’ Circus est un admirable représentant. Cette formation jeune est certes ancrée dans la tradition, mais elle en bouscule les codes en empruntant leur structure à d’autres styles. C’est ainsi à l’aide d’instruments traditionnels tels que l’accordéon, le piano, le cistre et le violon, que le passé côtoie le présent. Avant que vous ne demandiez, le cistre est un instrument à cordes pincées dont la forme est proche de celle du luth et le son à la croisée de la mandoline et du bouzouki.
Chez nos Danois, c’est le violon qui mène le plus souvent la danse. Et il passe par différents états tout au long de l’aventure. Ainsi, dans la « Uhrbrand’s Cabin », il est tout chose, comme s’il rencontrait l’amour pour la première fois. L’instrument développe cependant petit à petit une belle mélodie qui nous ébranle à notre tour. Et c’est à nouveau nos émotions qui sont affectées à la vue de « The Great Sea ». En effet, voilà encore le violon conduisant à la lumière nos amis tapis dans l’ombre comme s’ils redoutaient une catastrophe. Celle-ci finira néanmoins par arriver. En effet, dans le morceau au nom sans équivoque, c’est cette fois-ci le chef qui est pris de panique avant que ses compagnons ne viennent le consoler dans sa détresse. Voilà un bel exemple d’entraide. A l’inverse, avec « Tretur », au départ réticent à entrer dans la danse du soliste, l’accordéon timoré finit par suivre le violon dans le tourbillon de son coup d’archet. A la manière des csárdás, les reflets ternes de la tristesse du premier, et cependant à l’origine d’un beau contraste avec le second, ont traversé le prisme des cadences effrénées pour briller de mille couleurs. Dans « Make High The Gate / The Billy Goat », c’est le violon lui-même qui passe de la gravité à la légèreté. D’ailleurs, avant qu’il ne se lance dans l’enivrement d’une farandole de Provence, on est surpris à quel point la solennité de son jeu le rapproche d’une cornemuse des Hautes Terres d’Écosse. Mais quand viennent les sentiments mêlés des cordes frottées du « Daydreamer », il est difficile de retenir ses larmes tellement l’association avec l’émerveillement du piano et la frivolité des cordes pincées est éblouissante.
Quand ce n’est pas le violon qui galvanise ses acolytes, c’est le piano. En effet, devant les « Owls In The Bog », les cordes pincées restent méfiantes malgré l’enjouement de celles frottées. Il faudra l’intervention du piano et toute la chaleur de son expression pour gagner la confiance du cistre. Le rythme s’accélère alors, on pense ainsi à ce joueur de flûte dont le jeu a tellement séduit les rats d’Hamelin qu’ils l’ont suivi dans sa marche hors de la ville. Cependant, c’est sur un air champêtre laissant échapper quelques notes de fantaisie que le piano fait sa « Promenade ». Le cistre qui l’accompagne va même jusqu’à lui proposer de danser sur la mélodie de boîte à musique de « Regnars Styk ». Les deux partenaires s’y enlacent néanmoins sous l’œil attentif du violon. Cependant, quand ce dernier, autant que le piano, se lasse de diriger, l’accordéon n’hésite pas à prendre le relais. Ainsi, dans « Malva », celui-ci enfile son costume printanier pour faire souffler un vent de fraîcheur. Les accents ensoleillés de la guitare offrent alors un cadre lumineux au tableau. Et quand l’instrument à soufflet s’acoquine avec celui à archet, c’est l’effroi qui s’empare d’eux. Ainsi, pris au piège des « Iron Halls », rien ne parviendra à les sortir de cet état. Le duo multiplie également les signaux de détresse dans un « The Old Goat » tribal maniant prudence et mystère avec brio. Cependant, à la rencontre de « The Girl In The Shadow », les tremblements de l’un et de l’autre offrent une image pleine d’émotion.
Avec sensibilité et dans divers langages, le trio danois Dreamers’ Circus propose une lecture moderne des musiques folk et traditionnelles. Comme dans un film captivant, on suit avec beaucoup d’attention les aventures de l’accordéon, du piano, du violon et du cistre à travers des contrées aussi bien familières qu’étrangères.