Diogal – Samba Alla
Diogal
Celluloid
Samba Alla est le premier « véritable » album studio de Diogal Sakho, un jeune musicien d’origine sénégalaise dont la carrière a débuté en 1996 sous la houlette du globe-trotter Loy Ehrlich et qui n’avait publié jusqu’ici que deux cassettes (« M’bar-Yi » et « Xarrit Taffa ») sur Xippi, le label de Youssou N’Dour. Crédité au chant et à la guitare sur la totalité des titres qu’il a lui-même écrits et composés, on pourrait rapprocher l’univers folk acoustique de Diogal de celui d’un Ismael Lo ou d’un Geoffrey Oryema. Son sublime et intimiste « Exile » (produit par Brian Eno et édité chez Peter Gabriel, excusez du peu !) est en effet assez proche de « Samba Alla » au niveau des thèmes abordés, souvent liés au vécu et à l’héritage culturel de ces deux hommes qui ont dû un jour quitter leur terre de naissance pour s’en aller vers d’autres horizons. Dans les deux cas, l’inspiration est au rendez-vous et l’émotion est à son comble même si l’ensemble se révèle globalement bien plus enjoué chez Diogal, du point de vue strictement musical j’entends.
Et puisqu’on on parle de cet esprit si chaleureux qui anime « Samba Alla », il y a fort à parier pour que la production classieuse et les choix artistiques de Loy Ehrlich y jouent un rôle crucial ! Œuvrant lui-même, comme à son habitude, à divers instruments (hajouj, sanza, kora, kamele n’goni, clavicorde, percussions et claviers divers), il a fait appel à une pléiade d’invités talentueux pour compléter l’équipe, dont le pluri-instrumentiste Daby Toure, le percussionniste Pape Dieye et les fameux Wasis Diop et Julia Starr en choristes de choc ! Sans oublier bien sûr ses décidément incontournables potes pluridisciplinaires que sont Jean-Philippe Rykiel (claviers et arrangements), Didier Malherbe (flûte et saxophone) et Steve Shehan (percussions) dont on reconnaît immédiatement le style et le groove inimitable. On pourrait d’ailleurs presque imaginer que Diogal s’exprime ici autour d’une sorte de Hadouk Trio enrichi d’éléments plus typiquement africains et d’influences pop occidentale !
Le chanteur nous délivre ses textes avec beaucoup d’expressivité et de conviction, de sa voix douce et chaude qui tantôt berce, tantôt enivre quand elle ne plonge pas l’auditeur dans un véritable bain d’émotions. Je pense notamment à « La Paix », véritable hymne à l’avenir du monde et appel pacifiste aux détenteurs du pouvoir, ou encore aux sublimes « Mama » et « Massa Thiono » (traduisez « repose-toi »), titres emplis de tendresse et de générosité qui traitent, pour leur part, de la condition des femmes africaines. Ces deux perles (parmi tant d’autres) ont été écrites par un Diogal plus émouvant que jamais, en hommage à celles qui lui ont tout donné, à savoir sa mère et sa grand-mère. Un bien bel album dans tous les sens du terme, riche d’une vraie musicalité et d’une forte humanité.
Philippe Vallin (8/10)